Vous circulez tous les jours dans une grande ville française avec une moto et/ou une voiture Crit’Air 3, 4 ou 5 ? Dépêchez-vous d’en “profiter”, car dans peu de temps, ça va devenir de plus en plus difficile, voire impossible !

Le 18 novembre, le ministère de la Transition écologique a en effet annoncé un « renforcement des Zones à faibles émissions-mobilité [ZFE-M] afin de réduire significativement les émissions de polluants issues du trafic routier dans les principales métropoles du pays ».

Renforcement ? C’est peu dire…
Quatre ZFE existent actuellement : métropole de Lyon, Grenoble-Alpes Métropole, ville de Paris et métropole du Grand Paris. Elles devraient être sept de plus « courant 2021 » : à Aix-Marseille, Montpellier, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse.

Dans chacune est (pour les quatre existantes) ou sera (les pour les sept à venir) interdite la circulation des véhicules à vignettes Crit’Air, 3, 4 et 5, jugés trop “anciens”. Ce cadre général est placé sous la responsabilité de l’État, mais « les collectivités territoriales concernées resteront libres de fixer des règles plus strictes ». Quant aux horaires pendant lesquels lesdits véhicules ne pourront circuler, « rien n’est défini à ce stade. La décision sera nationale ou laissée à l’appréciation au niveau local ».

Mais ce n’est pas tout. 35 nouvelles ZFE seront créées à partir de 2025 dans les métropoles de plus de 150 000 habitants. Ceci, notamment, pour « anticiper le durcissement des normes de qualité de l’air au niveau européen ». Là encore, les collectivités territoriales concernées seront chargées de définir le périmètre des ZFE et les mesures de restrictions afférentes.

Des contrôles par vidéoverbalisation !
Et qui dit interdiction de circuler dit… verbalisation potentielle. Le gouvernement planche donc sur un dispositif de contrôle-sanction automatisé (CSA), comme celui existant pour la vitesse.

Autrement dit, les plaques d’immatriculation seraient lues par des dispositifs automatiques qui déclencheront le processus de verbalisation si le véhicule “flashé” n’est pas autorisé à être dans la ZFE. « Comme c’était déjà le cas pour le contrôle CSA concernant les radars automatiques, [nous restons] fermement opposés à la présomption de culpabilité que porte le projet de "CSA CritAir", réagit la Fédération française des motards en colère. La Commission nationale informatique et libertés a par ailleurs souligné le risque de dérive qu’imposerait le recueil d’informations issues de la lecture automatique de plaques d’immatriculation de ce système. Encore que, concernant les radars, on a toujours la possibilité de rouler : là, c’est un confinement plus insidieux, car aucune “thérapie” n’est même envisagée !  »

Pour l’instant, les difficultés (techniques, d’homologation et réglementaires) liées à l’utilisation de ces radars sont un frein à leur mise en place, mais pendant combien de temps encore ? Le gouvernement, qui en a fait « une priorité », espère que ce contrôle sera effectif d’ici la fin du quinquennat en cours. Donc d’ici 18 mois…

Des questions capitales… sans réponse
Une nouvelle fois, comme dans d’autres domaines — la sécurité routière, au hasard —, les pouvoirs publics ont choisi le passage en force et éludé de nombreuses questions capitales.

Par exemple, comment feront les plus modestes d’entre les usagers, ceux qui n’auront pas les moyens de remplacer leur véhicule, pour se déplacer, un droit qui est pourtant fondamental ? Aucune réponse, si ce n’est celle du sempiternel discours sur les aides distribuées par l’État et/ou les collectivités pour l’achat d’un véhicule électrique, et dont on connaît les limites, à tous les sens du terme.

La FFMC, qui rappelle depuis le début des restrictions de circulation que « la mesure va impacter majoritairement les plus défavorisés, s’indigne qu’on envisage avant tout des moyens de répression, alors même que les alternatives au transport individuel des populations qui vont être le plus en difficulté du fait de ces restrictions ne sont même pas abordées ! Pas de renfort des transports en commun, ni en termes de maillage, ni en termes de fréquence. Pas de possibilités alternatives de type parking périphérique avec interconnexion sur les transports en commun. Pas même d’infrastructures dédiées à l’alternative électrique que ces classements Crit’Air présentent comme les plus vertueux ! »

Une France à deux vitesses ?
On prépare donc de fait une France à deux vitesses : vous avez les moyens, vous circulez ; vous ne les avez pas, débrouillez-vous entre des transports en commun souvent saturés, le vélo, la trottinette. Ou la marche, en plus c’est bon pour la santé… De qui se moque-t-on ?

Un simple chiffre, fourni par le ministère de la Transition écologique, suffit à montrer l’ampleur du péril pour beaucoup d’usagers. En 2023, quand le dispositif sera pleinement opérationnel dans les 11 zones évoquées plus haut, pas moins de 30 % du parc qui y roule sera concerné par les interdictions de circuler ! Et ça ne fait que commencer.

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