Mais la désuétude guette notre drôle de véhicule, qui a pourtant connu d’autres évolutions technologiques. Certaines peu concluantes, comme ce Douglas articulé que les spectateurs du Tourist Trophy ont vu, en 1923, se pencher à la demande en virage. D’autres beaucoup plus marquantes, comme l’adoption du polyester par Plastic Motor Boddies et Watsonian en 1954. Un matériau d’avenir, mais qui ne peut déjà plus contrer la concurrence des petites voitures bon marché. Dans les années 1960 en France, il ne subsiste bientôt plus qu’une poignée d’irréductibles Gaulois préférant encore ce mode de locomotion au confort d’une 2CV.

Moins pratique, plus ludique

Chacun l’aura compris : c’est peu dire que la renaissance de la moto, à l’aube des années 1970, a sauvé le side-car de l’oubli. Abordé non plus comme un véhicule utilitaire mais comme un loisir, le deux-roues entre dans la modernité en intégrant les notions de plaisir et de fiabilité. Les motards se passionnent pour leurs nouvelles montures, s’en font un art de vivre… et leur rajoute une troisième roue lorsque la famille s’agrandit. L’occasion rêvée de découvrir de nouvelles sensations de pilotage.

Fin 1971 apparaît ainsi le premier side français en polyester, de marque GEP, dont le museau rappelle celui des monoplaces Lola. À moins de 2 000 francs, son succès est garanti. En 1974, Jean-Yves Attard n’hésite pas non plus à s’inspirer de l’automobile, mais d’un point de vue technique. Sa caisse en tôle porteuse se dispense de châssis et se veut donc très légère (31 kg nue). Mieux, le bras oscillant provient d’une Citroën GS et conserve son frein à disque, tandis qu’une barre antiroulis le relie à la suspension arrière de la moto. Voilà enfin quelqu’un qui se préoccupe de la tenue de route de son « piège » ! Il faudra pourtant attendre le tout début des années 80 et la multiplication des constructeurs hexagonaux (AJF-Motoside, DBS, Jeaniel, Panda, Polyfay…) pour conclure à cette évidence : une fourche télescopique réagit fort mal lorsqu’elle doit encaisser des efforts pour lesquels elle n’a pas été conçue. D’autant que les performances des motos ne cessent de croître, parallèlement au poids et au confort de nombreux paniers. Et c’est le retour en grâce de la bonne vieille fourche Earles qui équipait déjà les BMW R 50/2 en 1955 ! Au-delà de sa seule rigidité latérale, celle-ci permet de corriger la chasse, de durcir l’amortissement, d’installer un double disque de frein lorsque la machine n’en est pas équipée d’origine, ou encore d’adapter des jantes de voiture. Lesquelles autorisent le montage de pneumatiques nettement plus endurants et performants s’agissant d’un engin qui vire à plat. Le 15 pouces de diamètre par 125 ou 135 mm de large s’impose alors quasiment comme un standard.

Une nouvelle ère

Arrive 1987 et le Side-Bike Comète, attelage révolutionnaire équipé d’une troisième roue directrice. Son concepteur, Jean-Claude Perrin, n’est pas l’inventeur de cette technique – initiée en Grand Prix par le Suisse Seymaz dès 1977 puis interdite à la fin de la saison suivante – mais le premier à l’appliquer à un usage routier. Facilité de conduite à la clef. Assez complexe, la triangulation du train avant s’articule désormais sur le châssis du side et ne dépend plus uniquement de la moto. Détail qui ajouté au montage de gommes taille basse d’assez forte section confère à l’ensemble une allure des plus sportives. Véritable marque de fabrique d’un constructeur en passe de s’imposer comme le nouveau leader du marché (Comanche, Méga Comète, Kyrnos), le concept va bientôt faire école (GG Duetto, Armec…) et scinder les side-caristes en deux clans distincts.

D’un côté les traditionalistes, inconditionnels de la fourche à balancier et de la troisième roue fixe, de l’autre les modernistes, que le mélange des genres n’effraie pas. L’Allemand Wolfgang Rabe en fait partie, lui qui après avoir déjà produit au cours des années 80 une quinzaine de tricycles à moteurs d’Alfa Romeo ou de Golf GTI, lance la production en série du Corda. Une bizarrerie à l’esthétique ingrate mais propulsée par un cinq-cylindres diesel Audi de 2,5 litres de cylindrée. Trois roues motrices, direction assistée et habitacle chauffé de série !

En 2001, le constructeur Side-Bike s’affranchit à son tour des motorisations et des châssis moto en lançant le Zeus. Un véhicule à part entière motorisé par un 2 litres essence Peugeot, avec comme il se doit une troisième roue directrice devenue motrice.

La troisième voie

Qu’il ait désormais des faux airs de luxueuse berline ou de Formule 1, le side-car du XXIe siècle reste presque toujours de fabrication artisanale et se confronte à deux soucis majeurs. D’abord un coût en hausse constante le mettant hors de portée de toutes les bourses (un comble au regard de son passé), ensuite une homologation rendue laborieuse par les nouvelles normes européennes et autres contraintes administratives. En une quinzaine d’années, une majorité de fabricants français ont ainsi disparu. Et si certains survivants font aujourd’hui grise mine, d’autres ont compris la nécessité de diversifier leur production. Où l’on en revient, en parallèle aux attelages modernes, à des modèles moins onéreux de conception classique (cf. les Royal Enfield et autres Ural). Voire à l’émergence de nouveaux types de trois-roues, dont le trike fait partie.

Greffe auto/moto

L’idée d’associer un avant de moto avec un train arrière de voiture (de Coccinelle à l’origine) ne date pas d’hier, puisqu’on la doit à un ancien soldat américain revenu de la guerre du Vietnam mutilé des jambes. Si le concept a tardé à se développer en Europe, il s’accommode fort bien d’un respect rigoureux des limitations de vitesse. Sans parler du vieillissement de la population motarde, libérée des contraintes familiales et à la recherche de nouvelles émotions. Ceux-là ne manqueront pas non plus d’être interpellé par le Can-Am Spyder. Avec ses deux roues avant et son unique pneu arrière, son V-twin Rotax de 998 cm3 (dérivé de celui qui équipe nombre d’Aprilia) et son allure atypique, l’hybride canadien offre des sensations de conduite proches de celles d’un quad bodybuildé. La stabilité, assistée par de multiples capteurs électroniques, en plus.

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