Séance d’essai à 0°

Le départ est enfin donné, tard dans la matinée. Il fait tout juste 0°C, les doigts sont raidis par le froid et l’air à l’oxygène raréfié brûle les poumons. Pour un premier contact, c’est parfait… Tant pis !

C’est parti pour un festival de glisse, de contre-braquages et de dérobades du train AV à quelques centimètres du vide. Malgré une carburation imparfaite, je ne m’en sors pas trop mal sur ce terrain gras, la glisse est facile à maîtriser avec mon 4-temps et, surprise, je double plusieurs pilotes expérimentés.
Progressivement, on peut monter à chaque fois un peu plus haut mais au final, il me manquera encore 5‑km avant d’atteindre le sommet que je ne découvrirai que le jour de la course !

À la montée, rester concentré pour trouver ses repères, ne pas confondre deux virages et ne pas penser au vide. À la descente, entre chaque séance, cette sensation de vide se fait en revanche plus présente, plus oppressante.
Je repère ainsi deux virages où il faudra se montrer particulièrement prudent, quitte à perdre un peu de temps, un excès d’optimisme se traduisant par une chute de plusieurs dizaines de mètres pour atterrir sur un chaos de rochers peu accueillant.

140 km/h entres les sapins

Le lendemain matin, la seconde séance d’essai (sur la moitié basse du parcourt entre 2.800 et 3.500 m) se déroule sans difficulté climatique particulière. La piste serpente au milieu des sapins qui masquent le bleu infini du vide… mais n’offrent pas beaucoup plus de sécurité en cas de chute !
Heureusement, la voie est très large et les vitesses ne sont jamais très élevées : 140 km/h maxi en ligne droite et bien moins dans les virages.
Ma plus grosse surprise est de constater que la route est asphaltée sur le premier kilomètre puis plus loin sur 3 kilomètres à mi-parcours.
Avec des suspensions souples et les pneus basse pression, inutile de dire que la moto n’est pas à la fête sur ces portions.

A d’autres endroits, la terre est nettement plus sèche qu’en haut et je me sens déjà moins à l’aise. Le grip est plus agressif et les dérobades plus violentes exigent une expérience que je n’ai pas.
La puissance du Yamaha 426 cm3 4-temps est rapidement dépassée par celle des 500 cm3 2-temps qui bénéficient d’une meilleure motricité d’autant que la carburation me joue toujours des tours.
Je finis dernier de ma série qualificative et la carburation n’explique pas tout. J’espère que la course se déroulera sur le mouillé‑ !

Virage raté et grosse chaleur !

Samedi, jour de la course. Le soleil tape l’enfer et la terre est desséchée.
Nous sommes cinq de front sur la ligne de départ. Chacun n’a qu’une idée en tête : arriver le premier du groupe, 156 virages, 20 km plus loin et 1.440 m plus haut. En ce qui me concerne, si j’arrive entier, je serai déjà un homme heureux.

Je ne connais pas la moto (on a changé de machine dans la nuit, faute d’avoir résolu le problème de carburation sur l’autre et les suspensions sont différemment réglées), je n’ai jamais roulé sur les 5 derniers kilomètres et cette terre sèche presque blanche, dure comme du béton et pleine de gravillons, n’est pas ma spécialité.
Je pars prudemment, la transition entre bitume et terre se passe bien et effectivement le grip est étonnant, pas loin de l’asphalte.
Je hausse le ton progressivement et soudain, en plein milieu de la trajectoire dans un virage rapide, je roule sur un « patch » de gravillons : dérobade de l’avant, puis de l’arrière, sortie de la trajectoire en butée de contre-braquage sur un lit de gravillons…

Le regard rivé loin devant sur la trajectoire (ne pas regarder les arbres, ne pas couper brutalement), je finis par sortir du virage au ras du talus. Calmé pour le reste de la montée, j’enchaîne sur un rythme beaucoup plus raisonnable, ne m’accordant que quelques dérives à l’accélérateur mais en sortie de courbe seulement.

En dérive à l’aveugle

Ce qui ne m’empêchera pas de profiter à plein du point d’orgue du parcours : le Devil’s Playground (en français, « le terrain de jeu du diable ») ainsi nommé car, par gros orage, les éclairs s’y répercutent de rocher en rocher, laissant manifestement un souvenir impérissable à tous ceux qui ont vécu l’expérience.

Situé à l’arrivée sur le plateau final, 4.000 m avant la dernière montée vers le sommet, c’est aussi, côté piste, un très long gauche aveugle en pente douce très large qu’on prend tout en dérive à l’accélération sans aucun repère visuel entre la route, le ciel bleu et les sommets enneigés à l’horizon.
Ensuite, c’est une partie assez roulante qui met en évidence la baisse de puissance moteur due à l’altitude. On ressent également le froid au travers des gants et de la combinaison.

C’est à la fois un soulagement, une joie et un regret d’apercevoir Art, le flag man, un gars très sympa qui agite son drapeau à damier depuis 35 ans !
Soulagé d’avoir réussi à atteindre le sommet intact, heureux d’avoir pris autant de plaisir à rouler dans une ambiance aussi extrême, mais déçu que cela soit déjà fini. Une seule montée, ça a vraiment un goût de trop peu. Surtout à 10.000 km de chez soi !

C’était intense mais si court ! Je ne sais pas quand – il y a tellement de choses à découvrir sur le globe – mais je m’entraînerai sérieusement au pilotage sur terre et je reviendrai un jour à Pike’s Peak courir vers les nuages.

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