La Mairie de Paris a établi une charte reconnaissant aux motards (et aux scootards) le droit de remonter les files de voitures avec un différentiel de vitesse de 20km/h. Problème, la Préfecture de Police, ne veut pas en entendre parler.

C’est de notoriété publique, la Préfecture de police de Paris, qui dépend du ministère de l’Intérieur, et la mairie de Paris, dirigée par le socialiste Bertrand Delanoë, n’ont pas la même vision de la politique de la ville. Et à chaque fois que l’un peut tâcler l’autre, il ne se gêne pas pour le faire. Les motards en font actuellement les frais...

Une fois n’est pas coutume, saluons une initiative de la mairie : depuis plusieurs mois la direction de la Circulation de la municipalité réunit les associations d’usagers, dont la FFMC Paris-Petite Couronne (FFMC-PPC), afin de mettre au point un "code de bonne conduite" des conducteurs de deux-roues. Objectif, tenter de réduire le nombre d’accidents dans la capitale.

Après moult corrections et discussions animées, le groupe de travail a fini par pondre une charte, qui tient sur plusieurs pages. Signé par les associations, la Mairie et la Préfecture de police, le document ne se substituerait en aucun cas au Code de la route mais permettrait d’instaurer un respect mutuel entre autos, motos, vélos et piétons dans la capitale. Dans ce texte apparaît, entre autres articles, la possibilité faite aux motards et scootards de remonter entre les files de voitures embouteillées. Ce, dans la limite du raisonnable : avec un différentiel de vitesse n’excédant pas 20 km/h entre moto et auto. Et en respectant la limitation de vitesse. « Le fait de remonter les files est un vecteur de sécurité car cela permet aux motards d’éviter d’être pris en sandwich entre les voitures, et de voir ce qu’il se passe devant », explique Fabrice Vidal, membre de la coordination de la FFMC PPC.

Point mort

Problème, cette charte est au point mort. Le texte définitif est validé par la Mairie et les associations, mais tout le monde attend depuis la rentrée de septembre la signature de la Préfecture de police de Paris... Et Pierre Mutz, le préfet, ne semble pas prêt à saisir son plus beau stylo ! Selon le quotidien Le Parisien du 20 décembre, il a fait savoir qu’il ne signerait pas la charte sur ce point précis, en raison du caractère contraire au Code de la Route.

Effectivement, la remontée de file est interdite par le règlement routier français, puisque considéré comme un dépassement par la droite. Cependant, cette position proche de celle de Rémy Heitz, délégué interministériel à la sécurité routière (relire ses propos lors du Mondial du 2-Roues en octobre), s’avère peu progressiste, ne tenant pas compte de la réalité du terrain : tous les jours, des milliers de motards et scootards risquent leur peau entre la 3e et la 4e file du périph’.

Le Parisien précise d’ailleurs qu’il y a eu 10 décès sur la voie rapide circulaire durant les 9 premiers mois de 2005, trois fois plus que durant la même période en 2004. La plupart des accidents graves impliquent des deux-roues. « Il se pourrait bien que le préfet bloque l’entrée en vigueur de la charte depuis que Rémy Heitz a annoncé que cette pratique était illégale », commentait le Vert Denis Baupin, adjoint au maire de Paris chargé de la Circulation, dans les colonnes du quotidien.

Tenaille

Seule solution, selon la Préfecture, pour empêcher la « remontée de files » par les motos : installer quatre radars supplémentaires, qui prendraient par l’arrière sur le périph’.

Les motards sont donc pris en tenaille dans une querelle politique qui les dépasse. Cela pourrait prêter à sourire s’ils ne risquaient leur vie chaque jour.
Qu’apporterait la reconnaissance de la pratique de la remontée des files ? « On pourrait l’apprendre dans les motos et autos-écoles », souligne Fabrice Vidal. Les automobilistes seraient responsabilisés, et donc plus attentifs, ce qui éviterait des sorties de files brutales et dangereuses. Les motards seraient eux aussi responsabilisés, et ceux qui remontent les files à trop grande vitesse s’exposeraient aux sanctions. Rappelons qu’en Hollande la pratique est tolérée, et qu’elle a eu un réel impact sur la prise en compte par les automobilistes des usagers vulnérables.

Alors, que fait la Préf’ ? On dit qu’elle prévoit d’installer quatre nouveaux radars qui flasheraient l’arrière des véhicules (donc concerneraient les motos) sur le périphérique. L’anneau en compte déjà huit pour une trentaine de kilomètres de longueur, ce qui en fait l’un des axes les plus surveillés de France alors que la plupart du temps, les véhicules ne peuvent dépasser les 80 km/h à cause des bouchons ! Mais la préfecture se borne à reprendre le discours ultra-formaté du gouvernement. En gros, les motards ont des accidents parce qu’ils roulent trop vite.

Les usagers en moto et scooter n’ont pas grand chose à attendre ni des Forces de l’ordre, ni des politiques. A eux de prendre en main leur sécurité en faisant preuve de vigilance, et en espérant que leur destin ne croisera pas celui d’un irresponsable en voiture.

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