2e partie de l’interview de Sébastien Amiel, écrivain motocycliste. Pour lire la première partie, cliquer ici.

Qu’apporte au personnage principal, Abel, le fait d’être motard ?
Le sentiment d’urgence, comme je vous l’ai dit, mais aussi la solitude du pilote face à son destin, à la mort qui lui tend les bras. Beaucoup de motards ont été touchés de plus ou moins près par la mort. Cela a été mon cas. Ce personnage vit avec la mort en lui.

Et puis la moto, c’est divertissant. Et son esthétique est séduisante.

Vous poussez le concept assez loin : il va jusqu’à se balader en ville en combinaison...
Il y a des choses qu’on ne peut expliquer dans ce que l’on écrit. J’avais cette image-là en tête, le motard en combinaison, ruisselant... Je le fais souffrir, mon personnage !

À l’origine, c’était purement esthétique : ça a de la gueule. Je l’ai donc forcé à évoluer en combinaison. Ensuite, cette caractéristique s’inscrit dans le personnage. Le récit prend une direction que l’écrivain n’avait pas prévue.

Votre histoire reste énigmatique. Les ancrages dans le temps sont gommés. Quel est le point de départ : le grand courage, c’est la construction de l’homme ?
Le titre fait référence à la citation de Camus qui figure en exergue : « Le grand courage, c’est encore de tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort ».

Enigmatique ? Je ne sais pas… Je voulais que ce livre ne soit pas explicatif. Le point de départ, c’est la volonté de raconter l’histoire de ces deux frères.

J’ai deux fils que j’observe grandir et qui me fascinent parce que, fils unique, je ne sais pas ce que c’est de vivre avec un frère ou une sœur. Je les vois évoluer dans cette relation, entre amour et haine, qui cohabitent en permanence. Ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Les rapports fraternels sont compliqués.

Mais c’est aussi une réflexion sur la culpabilité. Abel se sent coupable d’une trahison. Dans son cheminement, qui est géographique mais aussi intérieur, il est confronté à sa part de culpabilité dans les liens difficiles qu’il entretient avec son frère. Il trouve une issue, mais la réponse n’est pas explicative.

Un personnage secondaire, Pierre, est important car il relie Abel au monde extérieur. Il symbolise la solidarité entre motards...
Exactement. Pierre est inspiré d’un ami, qui a malheureusement disparu dans un accident de moto. Ils sont réunis par la passion pour la moto et cela définit des traits communs.

Lesquels ?
Cette solidarité. Celle qu’on ressent entre personnes ayant vécu la même expérience extrême. Les motards sont solidaires et font preuve de générosité. Quand je faisais de la moto sur route, à chaque fois qu’on me faisait un signe, j’étais ému. Je me souviens d’un voyage vers Montpellier dans des conditions climatiques atroces. J’ai croisé un motard, on s’est fait un signe et ça m’a réchauffé le cœur. Il était dans la même situation que moi et je suis reparti un peu plus vaillant.

Comment se passent les rapports avec un éditeur comme L’Olivier, réputé pour son exigence ?
Cet éditeur est exigeant dans la recherche de qualité d’écriture, et dans la manière dont on aborde un sujet. Quand quelque chose ne va pas, c’est dit. En revanche, il est très ouvert. Donc, la moto n’a posé aucun problème. Je n’ai jamais eu la moindre remarque sur ce point.

L’édition, après le rendu du manuscrit par l’auteur, est un processus qui dure plusieurs mois. L’éditeur émet des suggestions sur le style, la manière dont on peut améliorer des aspects dramatiques, la description d’une scène. Mais sur la moto, il m’a fait confiance, il a compris que je savais de quoi je parlais.

La photo de couverture est très belle. Comment l’avez-vous choisie ?
Le choix de la photo de couverture fut un très long travail. La moto n’est pas jeune, mais je n’ai pas réussi à savoir quel modèle c’était. Il s’agit d’une photo prise sur un circuit américain. Elle ne correspond pas à la Ducati 749, n’a pas la ligne d’une moto sportive carénée, mais nous avons eu beaucoup de difficultés à trouver une illustration.

Il ne fallait pas une photo technique, la moto devait être habitée, évoquer le mouvement… J’ai l’impression que la pratique de la moto sportive n’a jamais intéressé le milieu de l’art.

Cette photo vintage est dans l’air du temps. Est-ce volontaire ?
Non. La tendance du rétro m’agace un peu. Je ne comprends pas qu’on se tourne systématiquement vers le passé, alors que des machines actuelles sont tellement belles. Je déplore que cette couverture tende vers le vintage, mais nous n’avons pas trouvé de photo plus évocatrice.

Dans le milieu de la Harley, des photos d’art, il en existe plein. Sur la moto sportive, beaucoup moins. Le choix de la couverture fut compliqué, mais je la trouve réussie et j’en suis très heureux.

Ce roman est vendu comme thriller. Est-ce vraiment un thriller ?
Il est inclassable. Mais le style se rapproche du thriller. Il y a une tension dans le récit, des descriptions qui se font référence au roman noir. En tant que lecteur, j’apprécie ce style littéraire.

On vous souhaite une longue carrière en tant qu’écrivain. Et la moto, y reviendrez-vous un jour ?
Peut-être… Si je reviens à la moto, ce sera pour faire du circuit. Quand j’habitais dans le sud j’ai couru à Nogaro, Pau-Arnos, Lédenon... Mon circuit préféré est Nogaro. C’est le moins piégeux. J’avais des amis qui préféraient Lédenon mais je n’y étais pas très à l’aise.

Critique : Violence latente

Bien décidé à se confronter au frère qu’il a trahi quelques années plus tôt, Abel revient dans la ville de son enfance. Mais il découvre une maison familiale vide. Commence une attente oppressante qui le livre aux réminiscences et aux visions les plus noires.

L’auteur décrit une ville imaginaire, Belisarda, avec le même vocabulaire riche et imagé qu’il utilise pour raconter les paysages traversés à moto ; les sensations éprouvées sous un soleil plombant, quand on attend sur la selle sans rouler, le cuir collant à la peau perlée de sueur. Un thriller fait de violence latente, une carburation tout ce qu’il a de bien réglée.

Thriller : « Le Grand Courage », de Sébastien Amiel, Editions de l’Olivier ; 224 pages, 14 x 20,5 cm, 17 euros.

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