La saga des GS : comparo BMW R 80 GS, R 100 GS, R 1150 GS et R 1200 GS
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La saga des GS : comparo BMW R 80 GS, R 100 GS, R 1150 GS et R 1200 GS
Les cargos de la route. Présentée en 1980 au salon de Cologne, la BMW R 80 GS jette les bases du trail bicylindre polyvalent. Presque trente ans plus tard, il y a toujours une GS au catalogue et c’est même le modèle BMW le plus vendu au monde. Vingt-sept ans séparent la R 80 de sa plus récente descendante. Nous l’avons invitée à se dégourdir les bielles en compagnie d’une R 100 Paris-Dakar, d’une 1150 et d’une 1200.
Ce qui frappe le plus, quand on regarde la grand-mère et la GS de la cinquième génération, c’est la différence de gabarit : la R 80 GS paraît bien frêle à côté de la 1200. C’est donc sans appréhension qu’un court sur pattes dans mon genre (1,72 m) l’enfourche pour un essai en direction des falaises du Nord, tout en haut de la carte de France. Quand on en a possédé deux et fait plus de cent mille bornes en leur compagnie, remonter sur une 800 GS ravive de jolis souvenirs !
De part et d’autre de l’étroit réservoir, les cylindres dépassent largement, les pieds sont coincés sous les carbus et au démarrage, le cul de la moto se soulève dès que l’on embraye ! Avec 50 ch sous les fesses, une démultiplication courte et une position de conduite droite, 150 bornes d’autoroute à 120 km/h suffisent pour constater qu’on serait mieux sur le réseau secondaire. Les autres sont d’accord car pendant que le pilote de la vieille dame ménage les bielles de sa monture, ils s’emm… gravement.
Sur les petites routes, la R 80 GS devient un bien meilleur outil : le flat-twin se régale des relances sur les rapports intermédiaires, la boîte ne claque pas et si l’on tient compte du frein sous-dimensionné, la grande maniabilité de
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cette moto légère (186 kg à vide) permet toutes les fantaisies… à condition d’adopter la conduite « enroulé-rapide » familière aux béhèmistes !
Avec la transmission par arbre articulée sur un unique croisillon de cardan, toute action brutale sur la poignée de gaz se traduit par des à-coups et un effet de pompage inquiétant. L’apparition du système de transmission « Paralever » adopté sur la R 100 GS en 1987 a permis d’annuler totalement ces réactions déroutantes pour les non-initiés. L’arbre articulé en deux points sur le schéma d’un parallélogramme déformable et l’ajout d’un deuxième croisillon pour un effet homocinétique est d’ailleurs encore en vigueur sur la R 1200 GS, à quelques évolutions près. Si ce système ne pose plus de problème aujourd’hui, les R 100 GS ont connu quelques casses de ce côté-là.
Avec l’apparition de cette dernière, on gagne 200 cm3 et 10 ch, soit un accroissement de 20 % de puissance. C’est suffisant pour avaler sans douleur les portions autoroutières. Confortable et protégeant bien, la « Mille GS » trace à 140 compteur sans forcer, moteur calé à 5 200 tr/min. Sur le réseau secondaire, on retrouve la maniabilité de la 800, la patate en plus. La transmission ne génère plus aucun à-coup et la partie-cycle se joue des déformations de la chaussée pour une tenue de cap rarement prise en défaut. Mais ici encore, mieux vaut éviter le freinage d’urgence, d’autant que le tambour Ar commandé par un câble se montre moins efficace que celui la R 80 GS actionné par une tringle. À l’avant, l’étrier à deux pistons fait ce qu’il peut, mais avec un seul disque pour une moto qui dépasse les 230 kg tous pleins faits et qui frise le 180 km/h à fond, il ne faut pas être optimiste ou distrait. Le flat-twin à deux soupapes par cylindre, dernier rejeton d’une famille née en 1969 avec la série 5 est souple, coupleux, tout en rondeur. Dérivée des 800 cm3 de 1980, cette ultime génération de moteurs que l’on retrouve aussi sur les RT, R et autres « Mystic » a été allégé pour atténuer l’inertie caractéristique de ses prédécesseurs. Fiable, facile à entretenir, il impose un type de conduite où l’efficacité ne nuit pas au plaisir de conduite.
Plus imposante et encore un peu plus haute que la R 100 GS Paris-Dakar, la R 1150 GS se montre tout aussi accueillante et sa prise en main ne révèle finalement que peu de différences. En revanche, coté moteur, tenue de route et freinage, c’est un autre monde. Avec 85 ch, le moteur offre un couple important dès 3 000 tr/min et son allonge est remarquable. La partie-cycle est d’une stabilité impériale : trous, bosses, virages serrés, écarts de trajectoires improvisés, elle avale tout. Sa vitesse de pointe est digne d’une grande routière et selon l’inclinaison du saute-vent, la protection est bonne, équivalente à celle de la R 100 GS qui était déjà excellente pour un trail. La maniabilité dans les petits coins est tout aussi étonnante, mais avec 249 kg (tout plein fait), un pneu arrière de 150 mm et une roue Av de 19’, seuls les plus expérimentés emmèneront la GS dans les chemins creux.
Cette tendance à la sophistication s’accroît évidemment davantage avec la R 1200 GS en 2004. Ordinateur de bord, freinage ABS couplé, faisceau multiplexé, double allumage (apparu sur les derniers modèles de 1150), régulateur de cliquetis… C’est l’une de motos les plus « évoluées » du marché. Son moteur, qui n’a presque plus une pièce commune avec celui de la 1150, délivre 100 ch, soit encore 15 de plus que sa devancière. Quant au couple, il culmine à 11,7 m.kg à 5 500 tr/min. Malgré l’ajout d’un balancier d’équilibrage qui gomme le fameux couple de renversement et diminue les vibrations du bicylindre à plat face à la route, les ingénieurs ont gagné 3 kg sur le moteur. Le pont arrière lubrifié à vie et les axes de roues creux sont également nouveaux… Bref, avec 231 kg tous pleins faits, elle rend 18 kg à la R 1150 GS en se montrant encore plus facile à prendre en main. L’allégement des parties mobiles du flat-twin a réduit son inertie et le Boxer offre désormais de vives montées en régime. Cette vivacité est encore renforcée par une excellente et toute nouvelle boîte de vitesses aux rapports plus courts (plus de 6e longue). Le train avant a été amélioré par un nouveau bras oscillant et des tubes de diamètre plus important. À un rythme soutenu, c’est un véritable tapis volant, quel que soit le profil de la route. Les plus pinailleurs lui reprocheront un amortisseur arrière toujours un peu fainéant, mais après plusieurs centaines de bornes à son guidon, on se demande quelle moto peut rivaliser en matière d’efficacité, de confort et de polyvalence.
La R 80 GS (Gelände pour tout-terrain et Strasse pour route), qualifiée en 1981 de « chef-d’œuvre de BMW » par Christian Lacombe lors de sa présentation, est restée très attachante, mais sa motorisation et son manque de protection réduisent son champ d’action. Les GS-istes aiment à dire que ces machines sont à la moto ce que les Land Rover sont à l’auto. Vingt-six ans plus tard, si les utilisateurs sont désormais plus « Strasse » que « Gelände », ils demeurent de grands voyageurs. Le prix à payer de la sophistication mécanique des dernières versions fait râler les baroudeurs, mais la GS reste la BMW la plus vendue au monde, preuve que le concept a évolué dans la bonne direction.
Les flats au Paris-Dakar
L’histoire des flat-twins BMW au Paris-Dakar commence dès la première édition, en 1979, quand un journaliste surnommé Fenouil s’inscrit au guidon d’une R 80 (150 kg pour 55 ch) préparée par Herbert Schek, spécialiste allemand des BMW en enduro. Quand Fenouil casse une bielle à deux jours de l’arrivée, il est 3e au classement général et plus personne ne rigole à l’idée de faire courir des BMW. En 1980, la R 80 GS vient d’être présentée à la presse et l’usine engage deux motos confiées à Fenouil et Hubert Auriol. Alors qu’il est en tête, Auriol est déclassé sur décision de la direction de course et Fenouil finit 5e. Si la base de la moto provient d’une R 80 G/S, la fourche, la suspension Ar et le bras oscillant n’ont rien à voir avec la série. L’année suivante, Auriol l’emporte et tous ses coéquipiers BMW sont à l’arrivée. En 1982, un monobras Ar rallongé fait son apparition, mais le trop grand débattement de suspension entraîne des casses de boîte et de cardan. BMW France s’obstine et charge l’équipe d’Arcueil-Motor de construire quatre motos autour de moteurs dérivés de la R 100 RS (1000 cm3 pour 70 ch) préparés par Schek, pour une deuxième victoire d’Auriol en 1983, tandis que Fenouil et Loizeaux pointent à la 9e et à la 14e place. Réalésées à 1043 cm3 et construites par HPN (Habfeld, Peperl et Neher), les BMW s’offrent encore la 1re place en 1984 avec le champion de cross belge Gaston Rahier, devant « Hubert l’Africain » classé second. « Gastounet » renouvellera l’exploit en 1985 pour une dernière victoire des « flats culbutés ». On reverra des Béhèmes au Dakar, engagées par HPN, le team français Écureuil et des pilotes privés, mais pour les podiums, il faudra attendre la décennie suivante et la BMW monocylindre « usine » de Richard Sainct. Un an après la présentation de la R 100 GS en 1987, une version Paris-Dakar est présentée en coloris blanc et rouge et gros réservoir évoquant les machines d’usine. C’est avec l’une d’elles que l’Allemande Jutta Kleinschmidt ira au bout de du raid Alger-Le Cap en 1992, malgré une fracture du pied, s’adjugeant la 5e place de la catégorie Marathon. Première usine à avoir engagé des bicylindres dans la terrible épreuve africaine, BMW a ouvert la voie avant d’inspirer Honda, Yamaha et Cagiva qui décrocheront à leur tour la victoire.
En 1993, un inédit flat-twin de 1085 cm3 est présenté avec la R 1100 RS ; son nom de code : R259. Il est alimenté par injection électronique et son échappement est catalysé (en option à l’époque). La culasse à 4 soupapes renferme les arbres à cames, la distribution s’effectue par l’intermédiaire de trois chaînes. L’alternateur, situé au-dessus du moteur, est entraîné par une courroie. Tout ce petit monde est accouplé à une nouvelle boîte de vitesses sur laquelle est articulé le bras oscillant.
Il n’y a pratiquement plus de cadre, sauf un treillis de tubes boulonné sur l’ensemble moteur-boîte qui supporte la boucle arrière et le train avant baptisé « Telelever ». Celui-ci dissocie les fonctions de direction et de suspension, contrairement à une fourche téléhydraulique classique : la roue est toujours guidée par deux tubes télescopiques, mais elle est plaquée au sol par un triangle suspendu par un unique combiné ressort-amortisseur. La direction s’articule sur une rotule inférieure, comme sur les suspensions d’automobiles, le haut restant fixé par un té supérieur qui maintient les tubes plongeurs. C’est du jamais vu et cette architecture peut être considérée comme une des inventions majeures dans l’histoire de la moto depuis son apparition à la fin du XIXe siècle. À l’arrière, le monobras Paralever s’appuie sur un monoamortisseur placé en position centrale et non plus sur le côté droit. Base de toute la production des bicylindres à venir, la R 1100 RS sera rapidement déclinée en version GS où le moteur gagnera en couple en perdant un peu de puissance. Face à une telle évolution technique, les « GS-istes » les plus purs s’inquiètent à l’idée de ne plus pouvoir gérer les pannes sans un outillage sophistiqué. Une crainte qui n’empêchera pas la R 1100 GS de devenir un succès commercial et de faire ses preuves, grâce à sa puissance, son confort et ses qualités routières comme une voyageuse de référence. La R 1100 GS sera doublée d’une version 850 cm3, peu vendue en France. En 1999, une évolution du Boxer donne naissance à la R 1150 GS, dont la cylindrée passe de 1085 à 1130 cm3. La boîte gagne un 6e rapport surmultiplié et l’habillage est modifié grâce à une tête de fourche réglable. Cette machine évoluera encore avec de nouveaux freins et un double allumage avant l’arrivée de la R 1200 GS.
L’avis de Christian
« J’ai trouvé cette R 80 GS en 2003, sur Internet. Elle avait environ 70 000 km et avait connu deux propriétaires. Je partais travailler au
Soudan pendant trois ans et je voulais un trail pour me déplacer là-bas, pour rouler sur les pistes. C’était ça ou une Yamaha 500 XT, j’ai
choisi la BMW. J’apprécie sa rusticité, sa facilité d’entretien, la disponibilité des pièces. Elle ne m’a jamais laissée en rade.
Elle a un capital sympathie énorme car elle est perçue comme une moto de voyageur. »
L’avis de Thierry
« J’ai acheté cette R 100 GS Paris-Dakar neuve en 1992. Elle a parcouru 60 000 km sans soucis. J’ai monté deux échappements courts, mais il faut que je reprenne un peu tout ça car ils empêchent la béquille centrale de remonter correctement. Je m’en sers pour mes déplacements quotidiens. J’aime son confort, sa maniabilité, son look et sa polyvalence… idéale au quotidien ! J’ai plusieurs motos (BMW R 69 S, Guzzi Le Mans, Triumph 6T) mais la R 100 GS fait partie de celles que je garderai. »
L’avis de Philippe
C’est sa première GS, mais pas sa première Béhème. Après quelques égarements de jeunesse sur du matériel nippon, il signe à vie dès 1977 chez BMW. Après une 900 série 6 et une 800 Série 7, il use jusqu’à la corde une R 1100 RS noire (la moche, à selle rouge !) avant de craquer pour cette 1150 GS jaune dont il est d’évidence éperdument amoureux. « C’est de loin la meilleure BM que j’ai possédée », affirme-t-il.
J’en veux une
Motos à la cote d’amour élevée, les GS (80 ou 100) sont souvent surévaluées et les 3 000 à 4 000 € demandés pour des exemplaires d’une vingtaine d’années et plus de 100 000 bornes méritent d’y regarder à deux fois. Pour les anciennes générations, ça commence avec l’amortisseur qui dépasse rarement les 50 000 bornes. Comme il n’est pas réparable, autant passer à de l’adaptable de qualité. Vers 80 000 km, le remplacement de la chaîne de distribution et un contrôle des roulements coniques de roue avant et de colonne de direction sont indispensables. Les membranes de carbu, le disque de frein Av, les charbons d’alternateur et de démarreur ne sont pas éternels non plus, mais ce sont des opérations faciles et peu onéreuses, tout se fait « moteur dans le cadre ». Vers 140 000, avec la seconde chaîne de distrib’, il est généralement temps d’aller voir du côté des soupapes, des pistons et puisque c’est « ouvert », allons jusqu’aux coussinets de bielles, toujours sans sortir le moteur. Les cylindres traités au Nikasil sont inusables. L’inspection de l’embrayage (coûteux) impose une dépose de la boîte, l’occasion de contrôler l’usure de la pompe à huile et l’état du joint à lèvres de sortie de vilebrequin. Transmission finale et couple conique sont très solides. Enfin, les problèmes électriques proviennent généralement du faisceau principal qui s’use jusqu’à dénuder les fils sous le té inférieur, en frottant sur le garde-boue Av. La R 100 GS, en plus des mêmes contrôles, impose de remplacer impérativement les soupapes d’échappement vers 90 000 km, une faiblesse endémique des flat-twins de 1000 cm3. La transmission (BV + arbre Paralever) est également plus fragile, car les roulements sont mis à plus rude épreuve, surtout s’ils ont pris l’humidité (inspectez l’état des soufflets). Avec le Paralever, le bon état du monoamortisseur est déterminant pour la santé de la transmission. Les R 1100 et R 1150 GS ont progressé en solidité moteur, il n’est plus nécessaire de les ouvrir durant toute la vie de la moto. Par contre, l’architecture du bicylindre face à la route et à transmission par arbre restant inchangés, on retrouve les incontournables problèmes d’étanchéité du joint spi entre moteur et boîte, ainsi qu’une relative fragilité du Paralever en usage « musclé ». À noter également que les premières 1150 ont subi de nombreux problèmes de boîte de vitesses, généralement traités sous garantie. L’instrumentation « très électronique » est sensible à l’humidité et les courts-circuits ne sont guère appréciés par l’injection et de la centrale d’ABS. Si le train Av Telelever claque sur les cahots, voir les rotules de direction et profitez-en pour inspecter les butées souvent endommagées par une chute, même à l’arrêt. Enfin, les premières 1200 ont souffert de fuites au pont et divers soucis électroniques, tableau de bord, centrale ABS qui ont été rectifiés la plupart du temps sous garantie.