Quel effet cela vous fait de voir votre moto dans cet état ?
Elle avait 21 ans. Et moi, 74. Je n’en aurai pas d’autre… Heureusement, j’étais assuré tout risque. Il y a 5 ans, il s’est produit le même sinistre sur ce parking : un désert de motos calcinées. Dans le tas, il y avait celle de mon fils qui avait 20 ans à l’époque. Ce n’est pas mon premier choc.

Vous sentez-vous en colère ?
Je suis partagé entre plusieurs sentiments. À 75 ans, cela ne pouvait pas durer. Physiquement, c’était plus difficile. Et pourtant je l’utilisais quotidiennement, j’allais au foot avec… je m’en servais hiver comme été. On partait en vacances avec ma femme qui a 70 ans. Depuis 40 ans que nous sommes ensemble, nous avons voyagé souvent à moto, sommes allés jusque dans les Pouilles en Italie. La moto c’est une vie entière, une relation différente aux autres. C’est autre chose…

J’ai un petit-fils qui est coléreux. À son anniversaire, il s’est fâché contre moi. Je lui ai écrit que, contrairement à ce qu’il croyait, je n’avais jamais été fâché contre lui.

Aujourd’hui, j’ai envie de dire que je n’ai jamais été fâché contre ma moto. Elle tombait en panne, on la réparait. Si on était en voyage on attendait le dépanneur, on payait… Il y a quelque chose de fort qui fait que je ne serai jamais fâché par la moto.

Cette Yamaha Diversion était votre première moto ?
Non, j’ai commencé à 20 ans. Ma première, voyons… mon oncle était champion cycliste, il s’est recyclé en ouvrant un magasin de vélo. Il était meilleur cycliste que commerçant. Mais bref, j’allais chez lui en Savoie, on lui fourguait des vélos à vendre mais aussi des mobylettes, et une Vespa, 125 cc il me semble. J’ai donc conduit cette Vespa.

Je me rappelle que c’était dangereux. Vraiment ! Je conduisais la Vespa entre le magasin et sa maison, il était à vélo derrière moi, j’étais à fond dans la descente et ça flottait de tous les côtés, je ne savais pas prendre les virages, donc c’était sauve-qui-peut à chaque courbe, et il criait : « accélère, accélère ! »

C’est ma première expérience. Enfin… La première fois que j’ai fait de la moto, j’avais 8 ans et j’ai fait Paris-Nice derrière mon oncle sur sa 125 Motobécane, assis à l’arrière sur une fesse, c’était une drôle d’aventure.

Après ces épisodes, j’ai roulé sur une 125 Yamaha, puis possédé ensuit 4 ou 5 autres machines. La moto, c’était une continuité dans ma vie, une présence ininterrompue…

Que vous inspire ce gâchis de carcasses entremêlées ?
Le cimetière de squelettes qu’il y a là est composé à 80 % de scooters. J’y ai repensé sans agressivité. Mais pour leurs propriétaires, c’est un utilitaire. Ils sont unisexes, ils n’ont aucune trace de personnalité. Les motos sont toutes différentes, avec des conducteurs différents. C’est la meilleure démonstration de cette force qu’exprime la moto.

Que voulez-vous dire ?
Cela m’oriente vers l’idée que, si les motos disparaissaient, une catégorie de personnes estime que ce serait mieux. Pas seulement ceux qui achètent des scooters, d’ailleurs…

Retrouvez l’article détaillant les circonstances de cet incendie en cliquant ici

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