Essai saga Moto Guzzi California, 850 GT, 850 T3 et 1100 Vintage
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Essai rétro
Essai saga Moto Guzzi California, 850 GT, 850 T3 et 1100 Vintage
California dreamin’ (1971 - 2007). Les Moto Guzi California sont depuis longtemps entrées dans la légende, ne serait-ce que par la longévité exceptionnelle d’un modèle produit sans discontinuité depuis 1971.
L’essai de trois générations différentes met en valeur leurs qualités et leurs défauts : elles disent la même chose, mais ne l’expriment pas de la même manière… Ma, e siempre cosi nelle grande famile (« C’est toujours comme ça dans les grandes familles… »)
En trente-sept années de présence au catalogue Guzzi, près de onze versions du modèle California se sont succédé, sans compter les déclinaisons différentes au sein d’une même série. La 850 GT, la première du genre, de 1972 et restaurée à neuf affiche 24 000 km. La 850 T3 de 1981 a également fait l’objet d’une réfection importante, mais moins dans un esprit de collection. Quelques pièces comme les commodos ou le garde-boue avant ne sont pas d’origine ; elle affiche 85 000 km. La 1100 Vintage de 2007 indique près de 20 000 km.
En images
D’un coup de démarreur, les trois V-twin s’ébrouent de droite à gauche dans un grondement sympathique. Schlak, 1er rapport engagé sur le long sélecteur double branche et c’est parti. Sur la 850 GT, la position est très droite, on a un peu l’impression d’être debout sur la moto ; les mains presque à hauteur des hanches… Curieux ! Sur la T3, la position est davantage assise, le genou gauche vient buter sur la culasse et oblige à reculer au milieu de la selle ; le guidon, « façon motoculteur » revient vers les cuisses lors des manœuvres. Malgré la largeur des marchepieds « wagon », les arpions doivent trouver leur place entre les branches du sélecteur à gauche et le bout de la pédale de frein à droite. Celle-ci est d’ailleurs assortie d’un téton qui permet de poser le talon pour l’actionner « en balancier », car elle trop haute pour être mise en œuvre du bout du pied, quand le talon est sur le repose-pied… Bizarre ! Avec la Vintage, on se glisse discrètement dans le monde du custom : les pieds sont placés plus haut, les genoux sont écartés et les fesses se trouvent calées dans le creux de la selle, tandis que les mains s’agrippent au large guidon. Pour les commandes aux pieds, c’est comme les autres, mal foutu… On reste en famille.
La Guzzi 850 GT surprend d’emblée par son embrayage brutal et par sa maniabilité, malgré la lourdeur due au gros pneu avant. La poignée de gaz est trop dure et renforce l’impression désagréable de « tirer » dans la mécanique. Avec 52 ch pour 280 kg tous pleins faits, c’est normal. L’absence de compte-tours n’arrange rien et son pilote doit vraiment se mettre à l’écoute du moteur pour en tirer le meilleur parti. Calé à 120 km/h sur le 5e et dernier rapport, la GT ondule. Le CX d’épouvante de l’immense pare-brise y est sûrement pour quelque chose et la conception ancienne de la partie-cycle se charge du reste.
L’ère moderne La Guzzi T3 se montre d’emblée beaucoup plus moderne. Plus sèche et plus raide dans le maniement de ses commandes, elle fait montre d’une certaine rugosité dans l’expression de sa mécanique. Par contre, avec 30 kg de moins et son cadre hérité de la fameuse V7 Sport, sa tenue de cap et sa vivacité sont étonnantes : la partie-cycle fait preuve d’une rigueur et d’une neutralité qui rallient les suffrages des essayeurs. Les commandes de la Vintage sont onctueuses et la patate du bicylindre de 75 ch est présente quelle que soit l’allure. L’injection n’a pas gommé le bon caractère du bicylindre, elle ne fait qu’en accentuer la rondeur et la disponibilité. À partir de 2 500 tr/min, le 1100 cm3 tracte volontairement et s’envole dans les tours sans aucune hésitation. Cette manière de s’exprimer, propre au V-twin de Mandello, ne se retrouve sur aucune autre bécane. C’est vraiment la touche Guzzi, celle qui laisse sous le charme.
Les deux anciennes, nettement plus rustiques et moins souples affichent toutefois également de belles montées en régime. En revanche, les deux 850 « s’assoient » au passage du 5e rapport où il est bon de se caler à 120 km/h pour profiter du paysage, bien abrité derrière le pare-brise.
Roulement de tambour Sur les petites routes, les différences se creusent et la Guzzi 850 GT impose d’emblée un rythme plus pépère. Malgré la présence d’un double tambour double came à l’avant, la GT est une bien piètre freineuse. Entre blocage intempestif à froid et inefficacité totale à chaud, il faudra choisir. L’arrière ne fait guère mieux, d’autant que la commande trop haute interdit un dosage précis. Sur la T3, on change d’époque avec l’apparition des freins couplés, développés en 1974 pour la Guzzi V-1000 Convert. Ce freinage couplé à trois disques et étriers Brembo à doubles pistons opposés est une vraie réussite et permettra à la firme du lac de Côme de prendre plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence.
Alors que les deux « mamies » se laissent mener sans effort, avec un bon rayon de braquage dans les manœuvres, la 1100 Vintage fait sentir ses 263 kg à sec. La direction « tombe » en virage serré et à vive allure, elle est rétive à la mise sur l’angle au point de se redresser à la moindre bosse. Si la Vintage est capable de croiser à plus de 160 km/h dans un confort de bon aloi, sa tenue de cap est aussi aléatoire que sa finition.
Perfectible En effet, l’usine de Mandello n’a toujours pas consenti les efforts attendus en matière de qualité de fabrication. Pourtant récente, notre Vintage souffre « d’à peu près » indignes d’une machine de cette classe. Des détails ? Sans doute, mais à 15 390 €, la digestion est difficile. En attendant, les adeptes de la Calif’ savent tout cela par cœur, mais, plus indulgents que la moyenne, ils préfèrent évoquer le plaisir de rouler loin et longtemps sur des motos attachantes et sans réelle équivalence… California dreamin’, qu’on vous dit !
Avec la participation de Philippe Morand Un grand merci à Marc Mathieu et Jean Burdet pour le prêt de leurs machines.
California, du rêve à la réalité
Même si les Guzzistes « à poils durs » considèrent le manque de finition comme un détail, il peut finir par gâcher la vie du non-initié. Celà dit, les Guzzi sont des motos solides qui offrent des prestations routières particulièrement attachantes au fil des kilomètres, qui s’affichent souvent sur un, voire deux tours de compteur. Un utilisateur averti viendra à bout des problèmes électriques essentiellement dus à l’oxydation des connexions. Il apprendra à changer ses câbles au bord de la route et redécouvrira les vertus des lavages délicats, loin des stations de nettoyage à haute-pression. Du côté des professionnels, on a souvent affaire à de vrais passionnés. Pour les anciennes générations (1972-1990), les pièces sont faciles à dénicher chez les spécialistes qui se fournissent directement en Italie. C’est paradoxalement plus difficile pour les Guzzi récentes, à cause d’un réseau de distribution officiel calamiteux. , Les Calif’ sont prisées des routards et c’est sur les grands rassemblements qu’on en voit le plus. En occasion, il est plus facile d’en trouver en province et mieux vaut s’intéresser à un modèle fortement kilométré vendu par un passionné. Il sera forcément venu à bout des défauts de jeunesse. C’est sans doute cette obligation à s’assumer qui place les Guzzistes haut dans l’échelle des valeurs de la « confrérie » des motards... Et ça, ça n’a pas de prix !
Fabien, informaticien et amateur de motos classiques, a possédé une Calif’ III. L’été dernier, il s’est offert une 1100 E-PI d’occasion.
« Après avoir roulé en Triumph T 955 i Daytona, Harley XL 883 Sportster, BMW K 75 S, Kawasaki Z 400 et bien d’autres motos, je cherchais une Guzzi California pour rouler « classique » à deux. En 2003, j’ai déniché une Calif’ III de 1987 pas trop chère. Je l’ai gardée 2 ans, le temps de faire 6 000 km. Ça m’a plu, le moteur était vivant et la sonorité très sympa. Grâce à la protection du pare-brise et à l’excellence de son freinage et de sa tenue de route, ça a été une de mes meilleures motos sous la pluie. Je l’ai revendue à cause de sa finition : corrosion, ruptures des câbles de gaz et d’embrayage à répétition, électricité et commodos de farces et attrapes… L’été dernier, j’ai recraqué pour une 1100 EV-PI pour renouer avec le plaisir d’enrouler sur cette mécanique attachante, mais aussi avec les éternels problèmes de finition. Par contre, je suis déçu par la tenue de route : la moto louvoie à haute vitesse et en virages rapides. Ça m’oblige à rouler plus « pépère » en me demandant à quoi peut bien servir la 5e, vu le coffre impressionnant du V-twin 1100. » Philosophe et reconnaissant avoir « deux mains gauches question mécanique », Fab’ roule aussi en Enfield-India 500 Bullet attelée, quand il n’emprunte pas la Kawasaki W 650 de sa femme. Un phénomène ! Visitez son site perso : www.fab-le-motard.fr
« Goose patrol »
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Parfois qualifiée d’Harley à l’européenne, la California trouve son origine sur la côte ouest des USA. Modèle phare de Guzzi depuis 1971, née GT et devenue aujourd’hui cruiser ou custom, elle rend hommage à ses 36 ans d’existence à travers sa dernière version, histoire de célébrer le mythe. Depuis fin 1971, la « Calif’ », est la version civile de la moto des flics américains. Rien d’étonnant à cela puisque la V7 présentée en 1965 et produite à partir de 1967 a été conçue autant pour équiper la police et l’armée italienne que pour satisfaire les marchés civils dans le segment des grosses routières. Aux USA, ce sont les frères Berliner (Premier Motor Corporation) qui se chargent d’importer les Guzzi. À la V7 (700 cm3) succède la V7 Special (750 cm3) en 1969 : pour le marché américain, elle prend le nom d’Ambassador et Mike Berliner arrive à convaincre l’administration que c’est une machine idéale pour équiper la police, à condition de l’aménager selon le désir des « cops ». Comme sur les Harley, la Guzzi se retrouve dotée d’une longue béquille latérale auto-bloquante, de repose-pieds type « wagon », d’un sélecteur double branche à gauche, de pare-chutes Av et Ar, d’un large pare-brise et d’une selle monoplace. Une paire de sacoches, une sirène entraînée par galet sur le pneu arrière (roue de 16’) et un support de radio complètent l’équipement. Jugée bonne pour le service, la V7 « Police » est livrée aux flics de Los Angeles, Atlanta et New York en 1969. Un an plus tard, elle équipe aussi la patrouille autoroutière californienne qui se surnomme aussitôt « Goose Patrol ».
Quand la 850 GT (850 cm3 et BV5) remplace la V7 Special, elle devient « Eldorado » aux USA et commence réellement sa carrière civile fin 1971 sous l’appellation « California », en référence à « California Highway Patrol ». Néanmoins, sirène, feux à éclat, radio et roue Ar de 16 pouces sont restés au commissariat et la selle monoplace est remplacée par une selle « une place et demi » noire et blanche à arceau de maintien chromé. La Calif’ 850 GT sera produite de 1972 à 1974, remplacée en 1975 par la T3 California. Désormais, la mécanique de la 850 GT prend place dans le cadre de la V7 Sport apparue en 1972 qui confère à la T3 une tenue de route exceptionnelle, d’autant que le tout nouveau freinage intégral à trois disques et étriers Brembo à double piston est une spécificité qui fait des Moto Guzzi les meilleures freineuses de l’époque. De 1981 à 1987, elle est remplacée par la California II. Le moteur qui gagne 5 ch est passé à 1000 cm3 par réalésage, les cylindres sont de forme anguleuse, les jantes sont « à bâton », la géométrie du cadre est modifiée et le bras oscillant est allongé ainsi que la selle.
En 1987, la Calif’ III lui succède et change de look, avec un dessin « custom » nettement plus affirmé, au grand dam des puristes. Elle est doublée d’une version à carénage intégral, également disponible avec l’injection électronique Weber/Marelli. Commercialisée en 1994, la California 1100 prend le relais, tout en conservant le style custom, encore alourdi par des caches en plastique chromé… Le 1100 cm3 à carbus est un nouveau moteur qui développe 75 ch, le cadre est renforcé et la roue Ar passe de 18 à 17 pouces, avec un pneu de 140 au lieu de 120. La Calif’ 1100 termine sa carrière en 1997 avec l’injection électronique et 750 exemplaires numérotés célèbrent le 75e anniversaire de la marque.
La 1100 EV (pour Evoluzione) marque en 1997 une refonte totale du modèle California qui abandonne définitivement les carburateurs. Avec la nouvelle fourche Marzocchi, les tringles de garde-boue Av ont disparu, le freinage intégral asservi à la charge fait appel à des étriers 4 pistons et disques flottants et les nouvelles jantes à rayons tangentiels permettent le montage de pneus sans chambre… Amortisseurs WP et échappement en inox parachèvent le tableau. Un an plus tard, la 1100 EV est déclinée en California Special plus custom, dans l’esprit « low-rider » : caches latéraux et garde-boue arrière sont redessinés et les marchepieds « wagon » sont remplacés par des repose-pieds « normaux ». Gamme dans la gamme, plusieurs versions de Calif’ sont disponibles à l’aube de l’an 2000. La plus minimaliste est la Jackal présentée en 1999, mais le V-twin est toujours aussi jouissif ! S’ensuivent des évolutions esthétiques (peinture mate ou chromes) mélangées dans une offre d’options diverses.
En 2002, la California EV-PI Touring se dote d’un carénage de tête de fourche et son moteur adopte des poussoirs de soupapes hydrauliques… les arbres à cames n’apprécient pas et l’EV-PI fait l’objet d’un rappel en garantie. Pire, la rigueur légendaire de la partie-cycle des Calif’ n’est plus à la hauteur : la tenue de cap devient floue au-delà de 150 km/h et la moto se redresse sur les bosses… Prise de poids fatidique, influence du pare-brise, taille du pneu Ar, position de conduite plus « custom », amortisseurs de moins bonne qualité ? Les avis divergent mais les constatations convergent. Sans changement de ce côté-là, l’ultime version baptisée 1100 Vintage rend hommage à la 850 GT des débuts et à la T3 : de l’une, elle arbore le garde-boue chromé à tringles et les feux additionnels. À l’autre elle emprunte les filets blancs sur fond noir… Et comme elles, la Vintage se pare d’une selle deux tons à arceau en balustrade de balcon, comme pour mieux souligner à quel point les Calif’ sont devenues intemporelles.
Freinage intégral
La pédale de frein agit sur un maître-cylindre qui commande le disque arrière et l’un des deux disques avant, les étriers sont identiques. La répartition du freinage est obtenue par la différence de surface des disques Av/Ar. Le levier au guidon complète le dispositif en agissant sur le deuxième disque avant. La Calif’ 1100 EV de 1997 perfectionnera encore le système en couplant un clapet de décharge hydraulique avec la suspension, de façon à moduler la pression disponible selon l’adhérence. La 1100 Vintage bénéficie encore de ce système, alors que les Guzzi de la nouvelle gamme ont abandonné totalement le freinage couplé.