Ils ont déposé leur projet de loi presque en catimini, sans tenir compte d’un quelconque calendrier relatif à la divulgation de mesures de sécurité routière par le ministère de l’Intérieur, ni des réunions pourtant régulières au sein du Conseil national de sécurité routière (CNSR), dans lequel une commission 2-roues a déjà planché pendant deux ans sur ces sujets…

Mais voilà, peut-être motivés par une opération de lobbying de la part de fabricants, trente députés UMP ont donc écrit, le 11 février à l’Assemblée nationale, une proposition de loi « tendant à la protection des conducteurs et passagers de véhicules deux-roues motorisés de plus de 125 cm3 » (lire le document en cliquant sur l’image ci-dessous).

Proposition de loi obligation port de gants et dorsale moto (pdf)

Article unique
Cette loi disposerait d’un article unique, qui est le suivant : « Le port de gants et d’un dispositif de protection dorsale homologués est obligatoire pour les conducteurs et passagers de deux-roues motorisés de plus de 125 cm3. Le fabricant doit fournir ces équipements lors de l’achat du véhicule. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article ».

Peu de risques d’aboutir
Qu’on se rassure, une telle obligation n’est pas pour tout de suite : le processus d’examen et de vote par les députés repousse l’éventualité de quelques mois. Et il est de coutume pour nos élus de déposer ainsi des propositions de loi dans le but de se faire connaître ou de faire plaisir à des groupes de pression, qui ne sont jamais votées, ni même examinées.

Cependant, voir cette idée répandue par trente élus de la nation mérite qu’on s’arrête sur leur démarche. Difficile de contester l’objectif, qui est d’améliorer la sécurité des conducteurs et passagers de motos et scooters, dont on sait qu’ils paient un lourd tribut aux accidents de la route. Mais il existe d’autres moyens que de rendre obligatoire, de manière aussi soudaine, gants et dorsale.

Rapport Guyot
La démarche de ces élus se base sur les conclusions d’un rapport rédigé par le préfet Régis Guyot qui, en 2012, préconisait de rendre obligatoire le port des gants à moto. Il y voyait là le premier signal à donner afin de sensibiliser les motards et scootéristes au port d’équipements de protection individuelle (EPI).

Mais depuis plus de deux ans, de nombreux spécialistes de la sécurité des motards ont planché sur ce rapport, qui a eu le mérite d’alimenter le débat. Et, à la FFMC, on se met un peu en colère quand on lit une telle proposition de loi, occultant tout ce travail de concertation : « Cette soudaine initiative n’est qu’un effet d’annonce », s’emporte Thierry Bruno, membre du bureau national de la FFMC. « Nous ne voyons pas comment ces députés ont ignoré l’existence du CNSR et d’autres structures qui travaillent depuis plus de dix ans sur l’équipement du motard, sa sécurité, l’homologation des EPI, l’innovation, le conseil… »

Expertise
En filigrane, Thierry déplore que ces députés ignorent l’expertise de l’association : « Les représentants de la FFMC apportent leurs connaissances de la sécurité routière. Nous travaillons sur l’équipement du motard pour le rendre plus efficace ; une proposition de loi nous laisse perplexe quant à son efficacité. »

L’idée d’obligation n’obtient pas les suffrages du militant : « Depuis toujours, la FFMC est contre l’obligation, estimant qu’il est préférable de responsabiliser le motard. Cette façon de procéder n’agit pas sur la prise de conscience du motard ou du passager mais sur son portefeuille. Si l’on pousse le raisonnement, pourquoi ne rendre obligatoire qu’une dorsale et des gants, quid du reste de l’équipement ? Une incitation fiscale à l’acquisition de tels vêtements serait mieux perçue par les motards. »

Dans cette logique de réduction des coûts, la FFMC soutient l’opération Pack équipement organisée par la chambre syndicale des importateurs de véhicules et l’ensemble de la filière moto en France. Son objectif est de réduire le prix des vêtements moto pour les consommateurs.

« La sécurité ne passe par de l’obligation mais par l’instruction, la formation et la sensibilisation », conclut Thierry Bruno.

Intérêts économiques
Il y a peu de chances que cette proposition soit adoptée, car elle n’entre dans aucun cadre législatif relatif à ce sujet. Mais les lobbies sont déterminés… « On peut supposer que des marchands d’équipements ne soient pas étrangers à cette proposition de loi », explique un spécialiste de la sécurité routière.

Un détail a d’ailleurs attiré notre attention : l’un des députés signataires de la proposition, Franck Riester, n’est autre que le frère de Thibault Riester, entrepreneur qui avait créé, voici quelques années, des centres de contrôle technique itinérants pour les motos et scooters, sous l’enseigne Diagmoto. Faisant au passage du lobbying auprès des élus pour faire passer un contrôle technique 2-roues. Avec le succès que l’on connaît…

Complément d’information

L’avis de la FFMC sur l’obligation du port des gants : post de blog publié le 22 février 2013

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- À lire, le test de 10 paires de gants d’hiver (classiques et chauffants) dans Moto Magazine n°314 (février 2015)

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