Comparatifs

L’angle de colonne s’est ouvert (de 0,4 °) pour juguler la frivolité du train avant (un souci de l’ancien modèle) ; le tarage des suspensions est plus ferme et le réservoir voit sa capacité augmentée de 3,5 litres. Côté moteur, une nouvelle injection à double papillon et une cartographie revue visent à adoucir les bas régimes et diminuer la consommation. Voilà pour l’essentiel. Quant aux autres, elles ne changent pas, à l’instar de la Triumph Speed Triple et de la Ducati S4 RS (qui souffle sa première bougie). La seule vraie nouveauté 2007, c’est la Moto Morini 1200 Corsaro Veloce, extrapolation affûtée de la Corsaro « normale » (essayée dans Moto Mag du mois dernier) via l’installation d’une paire de silencieux Termignoni, d’un boîtier électronique spécial (dans les pays libres…), de platines repose-pieds repositionnées en Ergal, taillées dans la masse et d’une utilisation massive du noir (guidon, fourche, cadre, etc.).

Premier contact. La petite troupe conviée pour ce roulage (qui s’annonce, avouons-le, un tantinet débridé) est passablement excitée… Tous les essayeurs tournent autour des motos et déjà les commentaires dithyrambiques fusent : « La Ducat’, c’est une œuvre d’art sur roues », lance Renato, fasciné par le superbe train avant façon « Mondial superbike ». Jean-Marc, lui, semble comme magnétisé par la Corsaro tapie dans l’ombre du garage au point de tourner autour les bras ballants et l’œil écarquillé… La Z 1000, elle, divise. Pour certains, elle est encore plus délirante que l’ancienne ; d’autres y voient une vraie caricature du style « Tanaka ». Mais la plus critiquée reste la Katoche : « Elle ne semble pas finie » ; « On dirait un proto bricolé par un mécano fou » ; « Le style angle droit, pas pour moi », etc. Quant à la Speed Triple, tous s’accordent à la trouver belle, mais à force d’en voir partout, c’est à peine si on y prête encore attention… La rançon du succès (plus de 4 000 exemplaires vendus) !

Prise en main : la Ducati voit rouge

Pour une fois, notre comparatif ne commence pas par un assaut de la circulation francilienne mais par la traversée d’Aubenas (Ardèche) à l’heure de pointe ! Mais si le trafic n’a rien en commun avec celui de l’Île-de-France, les aptitudes citadines des motos n’en sont pas moins visibles. Deux se détachent du lot par leur aisance au jeu du « saute-bagnoles » : la Kawasaki et la Triumph, grâce à leur position naturelle, la souplesse de leur moteur et la douceur de leur transmission. Affronter les trajets quotidiens boulot-dodo avec ces deux-là devrait se transformer en formalité ; mais pourquoi donc Kawasaki a-t-il cru bon nous gratifier d’une planchette de bois recouverte d’un vinyle noir plutôt que d’une vraie selle ?

Derrière, la Corsaro leur file le train. Son gros bicylindre étonne par sa souplesse et ne rechigne pas à évoluer aux alentours de 2000 tr/min sans le moindre à-coup, mais il faut quand même composer avec une boîte de vitesses assez dure et un point mort quasi impossible à trouver à l’arrêt. Cet exercice urbain n’est pas le fort de la KTM. Son moteur est plus rugueux et n’accepte pas le filet de gaz sous les 3 000 tr/min, son embrayage hydraulique radial demande une poigne de bûcheron et sa hauteur de selle réjouira uniquement les basketteurs motards ! Elle n’est pas invivable pour autant en ville, mais demande un peu d’abnégation… Par contre, la Ducati en réclame beaucoup ! Soyons francs : dans la circulation, la belle italienne est une véritable purge… Position bizarre (penché en avant, bras écartés et poignées tombantes), moteur inexploitable sous 4 000 tr/min, embrayage dur (comme la KTM) et démultiplication finale beaucoup trop longue font du moindre déplacement en ville un moment de grande solitude… Autant être prévenu.

Comportement - Moteur : la Z s’enlize !

Sortie d’Aubenas, direction Vallon-Pont-d’Arc par la D579 pour aller s’enquiller les gorges de l’Ardèche (via la D290), véritable juge de paix de 30 km, autant pour les motos que pour les conducteurs. Au fil des kilomètres, le rythme augmente (l’angle aussi…), chacun cherchant à jauger les capacités de sa monture. Les pilotes de la KTM, de la Triumph et de la Morini, c’est sûr, ont tiré les bons numéros, même s’il leur a fallu un peu de temps pour s’en rendre compte. Telles une escadrille de combat en formation, ces trois-là s’en donnent à cœur joie au rythme du tracé.

Dans le rôle du chef de patrouille, le roadster autrichien, impérial de stabilité et de précision, confirme son excellence, perçue lors de sa présentation (voir Moto Mag n°237). Les suspensions WP approchent la perfection question tarage des ressorts et amorti hydraulique, au bénéfice des transferts des masses. Rien ne vient perturber ce bel équilibre, pas même les prises de frein tardives sur l’angle ou autre correction de trajectoire « dernier carat ». Ce comportement d’exception (peut être le meilleur essayé à ce jour par la rédaction) est secondé par un moteur expressif, plein et vigoureux passé 3 000 tr/min, qui catapulte les 200 kg tous pleins faits de l’autrichienne à la moindre rotation du poignet droit, le tout dans un râle digne d’un moteur de course. Jouissif… Dernier point question moteur : il est le seul à respecter la législation (voir courbes) mais le bridage (bien maîtrisé) n’a réveillé aucune frustration lors de cet essai, un très bon point.

Un 3-cylindres exceptionnel. Collée contre le flanc gauche de la KTM, la Speed démontre, une fois de plus, les qualités de sa partie-cycle intuitive. Au guidon de l’anglaise, tout semble facile grâce, notamment, à un empattement super-court (1 429 mm) et un angle de colonne fermé (23,5°), au bénéfice exclusif de la maniabilité. Et que dire du moteur… Le trois-cylindre se montre plus que généreux, vous allongeant les bras entre 2 500 et 5 000 tr/min pour ensuite vous coller en bout de selle de 5 000 à 8 000 tr/min (inutile d’aller plus loin, le bridage veille…). Dans le sinueux, la Speed reste un super-outil et procure beaucoup de plaisir.

Dans la roue de la KTM (et dans le rôle du « charognard »…), la Moto Morini, que l’on n’attendait pas à pareille fête, ne cesse de nous étonner. Au matin, nous la prenions pour une curiosité, la voilà qui s’impose comme une future valeur sûre de la catégorie ; du fait, non seulement, d’une partie cycle bien née – neutre, stable, en grande partie en raison d’un train avant au guidage précis et à l’amortissement impeccable – mais aussi et surtout grâce à un moteur tout simplement exubérant ! Une véritable usine à sensations qui fait presque tache dans la production injectée et dépolluée actuelle. D’accord, la cylindrée est là, mais avouez qu’offrir près de 10 m.kg à 3 000 tours, c’est quand même une sacrée performance ! On en vient à moduler les gaz en ligne droite pour jouir de son coffre exceptionnel. Quant aux sorties de courbes, on s’applique avec méthode à choisir le bon rapport pour humilier les copains de virée en les passant dans un grondement apocalyptique distillé par les gamelles Termignoni (homologuées allez savoir comment…). Il en « offre » tellement, ce moteur, que personne n’a songé à passer les 7 000 tours ! Assurément LE twin de l’année à l’unanimité des essayeurs.

Malgré l’euphorie ambiante du trio de tête, deux de nos « collègues » sont moins à la fête… Jean-Luc essaye de suivre le rythme avec la Ducati, mais semble empêtré dans d’insolubles problèmes de stabilité et de précision du train avant. Malgré une dotation en suspension haut de gamme (Öhlins), jamais l’italienne ne s’est montrée rassurante à rythme élevé. Il n’y a que sur un revêtement parfait qu’elle arrivait (presque) à donner le change ; mais dès qu’une irrégularité se présentait sous ses roues, c’en était fini de sa prestation. Difficile à accepter pour une moto aussi bien équipée et à un tarif stratosphérique ! Il serait peut-être temps de revoir un châssis vieux maintenant de plus de dix ans. Reste son moteur… qui souffle lui aussi le chaud et le froid. Conçu dans le seul but de battre les quatre-cylindres en mondial Superbike (pari réussi, d’ailleurs), il en a hérité des caractéristiques ! Avare en couple (c’est le moins bien fourni de ce comparatif), le « Testastreta » donne le change dans les tours et crache la bagatelle de 121 ch (Humm, pas trop légal, ça…) à plus de 11 000 tr/min ! Il faut donc le cravacher perpétuellement comme un quatre-cylindres, ce qui peut dérouter l’amateur de bicylindres.

Reste la Kawasaki, systématiquement derrière à la moindre arsouille ; pour un roadster dit « sportif », c’est un peu dur (enfin, surtout pour son propriétaire…). La nippone cumule certains points négatifs qui deviennent rédhibitoires dans cette catégorie affûtée et concurrentielle. Elle est lourde (236 kg), pataude lors des changements d’angle (le gommard de 190 à l’arrière ne facilite pas les choses) et ses suspensions sont vraiment trop souples pour espérer de la rigueur et de la précision. Dès que l’on force l’allure en grande courbe, la moto semble flotter de l’avant et le train avant ne transmet aucun retour d’information (sous virage, adhérence, etc.). De plus, il faut la forcer au contre-braquage pour rentrer en virage sur les freins et ne pas relâcher la pression trop brutalement sous peine de sentir la moto « tomber » à la corde. Un tel comportement vous oblige à adopter une conduite coulée ! Et à regarder vos copains de virée s’éloigner inexorablement de votre champ de vision… Quant au moteur, c’est du quatre-cylindres nippon pur jus, linéaire au possible (voir la courbe, tracée à la règle…) et peu démonstratif. Cela dit, il a le mérite d’offrir un couple plaisant vers les 6 000 tr/min qui permet des relances musclées (voir le tableau des reprises). Mais au dire d’un ancien proprio de Z 1000 : « On en arrive presque à regretter le premier modèle. » Dur…

Verdict

Reine incontestée des roadsters sportifs 2007 : la KTM Super Duke ! En toute honnêteté, il est difficile de faire mieux. Lui trouver des défauts de comportement relève de la gageure. Fini les petits soucis du premier modèle, place à l’efficacité absolue. La perfection a toutefois un prix : 12 500 €. Correct au vu de la qualité de construction et des périphériques qui l’équipent, mais un peu cher comparé au tarif affiché de la Triumph (10 900 €) et à ses prestations d’ensemble (ville, route) qui lui octroient le meilleur rapport prix/prestations de ce comparatif. Le cas de la Moto Morini est complexe : révélation de ce comparatif, elle souffre de petits défauts de jeunesse (finition) et son réseau de distribution est encore embryonnaire (pas d’importateur officiel en France, par exemple) ; son prix (14 500 €) la confine à la confidentialité, mais sa mécanique « d’un autre monde » excuse presque tout… Quant à la belle Kawasaki, ses prestations dynamiques ne sont pas à la hauteur de la concurrence européenne et il faut voir dans cette nouvelle Z une moto plus apte à assumer le quotidien et la balade dominicale que « la baston » avec la route. Le tout au prix d’une Speed Triple, ce qui fait quand même réfléchir.
La Ducati S4 RS, enfin, apparaît hors sujet. Par son prix – voisin de 15 000 € – tout d’abord ; par son exclusivité marquée dans tous les domaines (aptitudes en ville, comportement, etc.) ensuite. Par contre, c’est de loin le plus bel « objet » de ce comparatif et les inconditionnels de la marque sauront tout lui pardonner, ce qui n’est pas notre cas…

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