Comparatifs

Non. À la vue de ces nouvelles moutures et à la lecture des documents techniques, on ne peut que saliver à l’idée de prendre la route (mais pas l’autoroute) sur de tels engins. Les passants n’ont d’abord d’yeux que pour la belle italienne dotée d’un magnifique monobras et son arrière façon MV Agusta, avec son mini-feu stop enchâssé entre les sorties d’échappement. Les conducteurs des Suzuki et Yamaha peuvent d’ailleurs être jaloux d’une telle attention focalisée sur la Ducati ! Mais il n’y a pas à tortiller, l’apparence nippone est plus consensuelle et surtout très proche des précédents millésimes.

Pour mesurer les avancées de ces deux bolides, il faut soulever les réservoirs et tomber les carénages. Là, deux innovations inédites pour des motos « grand public » ont fait leur apparition. Le choix de la cartographie d’allumage sur la Suzuki, tout d’abord, avec le système S-DMS qui gère depuis le guidon les 3 modes : pleine puissance (120 ch), pleine puissance avec arrivée progressive des chevaux, et conduite sous la pluie. La Yamaha, ensuite, qui se voit dotée d’une admission variable (YCC-I), un système qui contrôle l’arrivée d’air dans les hauts régimes avec la levée des pipes d’admission, selon le régime moteur.

Moteur : le bridage ? Ca bride tout !

Les départementales de la Vienne s’offrent enfin à nous. Sur ce terrain, on note rapidement que la R1, face au précédent millésime, a régressé sur le chapitre moteur. Certes, en version libre, elle a encore gagné une poignée de chevaux et peut désormais s’enorgueillir de son astucieux système d’admission variable qui rend le moteur super-explosif au-dessus de 10 000 tr/min. Mais une fois passé sous les fourches caudines de la loi des 100 ch, il ne reste plus rien de ce bénéfice. De plus, le calage à 180° du 4-cylindres (quand les deux pistons centraux descendent, les deux autres montent) n’est pas une réussite notoire à la remise des gaz sous la barre des 4 000 tr/min. À ces régimes, il grogne et vibre exagérément avant de prendre ses tours. Si, face aux mesures radar du précédent modèle, la R1 2007 fait aussi bien, il n’en est pas de même question agrément. Dommage. Un peu plus haut dans les tours, le moteur retrouve heureusement un second souffle, le tout dans un rugissement qui ravira les amateurs de 4-cylindres, et un peu moins les passants.

Assurément, la GSX-R prend ici le large avec un moteur toujours aussi agréable à solliciter sur les bas et moyens régimes (les seuls autorisés sur route ouverte !). Certes, notre modèle contrôlé au banc développe 120 ch (!), ce qui lui donne un agrément supplémentaire (on compte tout de même 115 ch sur la Yamaha) ; mais c’est surtout la bonne conception de ce moteur qui le rend agréable à emmener, comme les précédents millésimes. La déception vient plutôt de l’innovation tant attendue, si intéressante en version libre et qui tombe à plat en version française. Le mode C, qui minore la puissance de 30 % pour la conduite sous la pluie, rend les relances carrément anémiques, même si tout en haut de la courbe la puissance atteint 93 ch. Le système à trois courbes d’allumage perd donc tout son intérêt. On teste une fois, et faute d’être convaincu, on oublie la fonction.

De son côté, la Ducati vient égayer le débat avec son twin hyperexpressif dès les plus bas régimes. Ce nouveau « Testastretta » fait preuve d’une bonne souplesse et on prend réellement du plaisir à le solliciter sur route sans s’exciter sur la boîte de vitesses, qui, ça tombe bien, n’est pas un exemple de douceur à faible allure. Comme tout gros bicylindre, il décontenance un peu les conducteurs habitués à la douceur de fonctionnement des 4-cylindres. Mais au fil des kilomètres, tous finissent par reconnaître l’intérêt et l’agrément d’un tel moteur, surtout sur les routes sinueuses (ces montures ne sont-elles pas des sportives ?) où quelques millimètres d’enroulage de câble se traduisent par à un bon coup de pied aux fesses. Avec la Ducati 1098, on ne s’ennuie quasiment jamais… D’autant qu’avec ses 140 kilomètres d’autonomie, on a l’occasion de visiter toutes les stations de l’Hexagone.

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Comportement : à chacun sa place.

Amateurs de travaux tout en force, la Ducati est faite pour vous. Cette italienne promettait le meilleur avec des suspensions signées Öhlins à l’avant comme à l’arrière, avantage réservé uniquement à la version S. On attendait donc un bon toucher de bitume pour cet essai majoritairement effectué sur route, mais les réglages proposés par le constructeur sont nettement défavorables à cet usage. En effet, sur mauvais revêtement, la 1098 S se fait virile avec des réactions très sèches. Sur les longues lignes droites bosselées du Limousin, il fallait composer avec les bras et les jambes pour tenter d’amortir les chocs. Une mission rendue délicate par un réservoir de carburant très proéminent au niveau du ventre qui vient remuer gentiment l’estomac. C’est regrettable car dès que le bitume se fait plus accueillant, la 1098 reprend du poil de la bête malgré une mise sur l’angle un peu plus physique qu’avec ses comparses.

Après le repas, les plus rapides se jettent sans hésiter sur les 4-cylindres… La GSX-R offre effectivement une position de conduite déjà moins radicale et une meilleure aptitude à se jeter d’un virage à l’autre. On s’inquiétait un peu des 10 kg supplémentaires de ce millésime 2007, et pourtant ils s’oublient comme par magie. La « Gex » est très à l’aise dans les petits enchaînements et ne réclame qu’un effort limité pour être menée bon train. Si les suspensions filtrent correctement les cahots les plus importants, elles se montrent toutefois moins performantes sur les petits plis de l’asphalte. Du coup, l’ambiance est toujours un petit peu « racing ».

La révélation côté comportement routier, c’est la Yamaha. Presque une GT ! Elle a été très convoitée par nos essayeurs désireux de soulager leurs poignets endoloris au bout de trois jours de roulage. Ah, poser son fessier sur une selle bien mieux pourvue en mousse… qui chauffe malheureusement trop à faible allure en raison de la proximité des tubulures d’échappement. Hormis son confort, la R1 procure aussi un excellent « toucher » de route. Son pilote profite de suspensions rigoureuses mais souples, qui avalent petites et grosses déformations sans le chahuter. Imbriqué dans cette moto courte, au gabarit proche d’une 600 cm3, il peut virevolter aisément dans les successions de virages, à l’égal de la GSX-R, sans avoir à s’énerver sur les bracelets.

Quant au freinage, personne ne se plaint. Toutes disposent du meilleur. Du « 2 fois 6 » pistons avec 4 plaquettes par étrier pour la Yamaha en passant par l’étrier monobloc taillé dans la masse pour la Ducati. Sur route, un seul doigt suffit pour se ralentir convenablement. Le plus délicat, au final, reste de bien doser la puissance quand le bitume est détrempé.

Verdict

Cette confrontation permet d’établir aisément une hiérarchie en usage routier. La Ducati se place nettement en retrait malgré un super-moteur et un look ravageur. Elle malmène son conducteur avec une partie-cycle exigeante, une position de conduite trop radicale, surtout face à l’ancienne 999, et par l’absence totale d’aspects pratiques. On attendait mieux d’une machine à plus de 21 000 € (7 496 € de plus que la Suzuki).

Classée deuxième, la Yamaha 1000 R1 justifie cette place honorable tant par ses prestations de haut niveau que par ses suspensions et sa position de conduite vivable. C’est la mieux adaptée aux longues distances. Son prix (13 790 €) est à quelques euros près identique à celui de la Suzuki, qui s’adjuge la première place de ce comparatif. Si l’on déplore l’inutilité de son système S-DMS en version 100 ch (comme l’admission variable de la Yamaha), on se réjouit de son homogénéité sur route. Les amortisseurs sont efficaces, la partie-cycle se maîtrise sans forcer et le moteur fonctionne parfaitement à bas comme à haut régime. Elle est en plus très généreuse côté aspects pratiques. Une sportive comme on les aime à Moto Mag !

En piste !

Cet essai d’hypersportives ne serait pas complet sans une incursion sur circuit. Nos trois montures ont pu se mesurer sur celui du Val de Vienne. Parties rapides, virages lents, gros freinages, le bilan est contrasté.

Sur route, il est absurde d’affirmer que 100 ch sont insuffisants pour se faire plaisir, même si l’agrément moteur en prend un coup. Mais sur circuit, ces machines amputées de 40 % de leur puissance frustrent inévitablement le pilote expert.

La Ducati s’était fait remarquer avec son fougueux bicylindre. Elle s’illustre de nouveau sur piste, mais avec une partie-cycle qui se révèle aussi précise que « sauvage ». Il faut se montrer doux sur les changements d’angles et poser précisément son regard là où l’on désire aller. L’italienne est en effet sensible à la moindre impulsion sur les demi-guidons (plus écartés de 5 cm que ceux des deux autres), qui se traduit par un petit écart. Il faut donc déhancher avec souplesse pour ne pas nuire à la trajectoire initialement choisie. Si les suspensions raides ne faisaient pas bon ménage avec le mauvais revêtement, ces réglages d’origine prennent ici tous leurs sens. Poussée à l’extrême, la Ducati est imperturbable et plonge sans broncher et avec entrain à la corde des courbes rapides. Côté moteur, on prend encore plaisir à sentir la cavalerie dès 3 500 tr/min en sortie de courbe, mais on peste face au mode de bridage qui limite la rotation de la poignée des gaz. Du coup, comme sur un scooter 125, on est toujours à fond.

Le bilan de la Yamaha R1 est mitigé. Contrairement à notre présentation en version libre, plutôt favorable, la version française est frustrante une fois sur circuit. Réglée souple en suspension d’origine, elle se montre pataude dans les enchaînements avec une fourche qui plonge trop au freinage et un amortisseur qui se tasse à l’accélération. Ainsi, des mouvements constants d’assiette parasitent les trajectoires. Heureusement, la douceur de ses commandes et son petit gabarit permettent de la prendre immédiatement en main. Côté moteur, la déception se fait encore sentir. Rugueux à bas régime, il sonne juste à partir de 5 000 tr/min et perd de son intérêt légèrement au-dessus de 7 000 tr/min du fait d’un sévère bridage. Aussi la plage d’utilisation est-elle hyperréduite et l’intérêt du système d’admission variable tout relatif.

La GSX-R 1000 tire plus habilement son épingle du jeu, même si le bridage moindre de son moteur l’avantage légèrement. Des trois, elle seule concilie une tenue de cap rigoureuse avec des suspensions de qualité, une facilité de mise sur l’angle malgré un léger surpoids et une bonne traction avec un moteur qui reste vif et rageur malgré la perte de 65 ch. Elle fait l’unanimité auprès des deux pilotes qui ne goûtent à la piste qu’occasionnellement sans pour autant décevoir les plus expérimentés.

Verdict piste La GSX-R est sans conteste la préférée de cette excursion sur circuit. La Ducati suit de près, mais son exigence rebute les pistards occasionnels. La Yamaha ferme la marche malgré une bonne prise en main, son moteur manquant franchement de brio.

Avec la participation de Maryline Karbownik et Thierry Martinez
Remerciements à l’équipe du circuit du Val de Vienne pour son accueil (www.circuit-valdevienne.com).

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