Ancien de MV Agusta, Ducati et BMW, Umberto Ucelli a pris la direction Europe de Zero Motorcycles. À Paris pour présenter les Zero 11 kW (15 ch) il a accordé cette interview à Motomag.com, et nous éclaire sur la stratégie du constructeur califorien pour imposer son concept de moto électrique.

Alors que vous vous apprêtez à fêter le 10e anniversaire de Zero Motorcycle, pouvez-vous nous donner une idée de votre volume de ventes au niveau mondial ?
Nous ne communiquons pas nos chiffres. Je peux par contre vous dire que nous sommes leader sur le marché de la moto électrique. Chaque année nos ventes augmentent, tout comme la taille de notre entreprise. Notre progression est exponentielle.

Pourtant vos machines sont chères ?
Si l’on considère qu’acheter une Zero revient à s’offrir une moto avec au moins 5 années de carburant compris, alors nous ne sommes pas si mal positionné. Sans compter le coût de l’entretien nettement inférieur à celui d’une moto classique.

Les clients potentiels redoutent la rapide obsolescence de vos machines compte tenu des progrès apportés par chaque nouvelle génération. N’est-ce pas un frein à l’achat ?
Naturellement nos derniers modèles sont plus performants que les premiers. En ce sens nos motos sont bien sujettes à l’obsolescence. Nous avons toutefois des clients de la première heure qui utilisent toujours leur machine. Nous restons très proches d’eux et avons mis en place un programme de soutien pour le remplacement des batteries.

L’obsolescence programmée est surtout typique de l’informatique. Chez Zero nous associons une nouvelle technologie, pour la motorisation et la batterie, et une autre, très mature, pour la partie-cycle. Pour cette dernière nous nous appuyons sur des équipementiers de renom (Kayaba, Bosch) peu sujets à l’obsolescence. Nous vendons des motos, pas des téléphones mobiles à renouveler tous les 2 ans. Même si nos motos sont paramétrables par le bais d’un smartphone !

Il faut aussi se rendre compte qu’en matière d’obsolescence programmée, les politiques environnementales jouent actuellement un rôle déterminant. En interdisant la circulation à certains véhicules à combustion, elles les précipitent dans l’obsolescence alors même qu’ils y étaient jusqu’alors peu sensibles. Que vaut en effet une moto thermique qui n’a plus le droit de circuler en ville ? Certaines municipalités ont déjà décidé de bannir les véhicules thermiques de leur centre historique d’ici 8 à 10 ans.

Le prix des Zero deviendra-t-il plus raisonnable quand les volumes augmenteront ?
Difficile à dire aujourd’hui. Si quelque chose de révolutionnaire arrive dans le domaine de la batterie au point de provoquer une importante chute de prix, pourquoi pas. Malgré tout, nos investissements en recherche et développement restent conséquents.

Peut-on imaginer s’offrir un jour une Zero pour un prix équivalent à celui d’une SV ou d’un CB ?
Je pense plutôt que, pour un prix équivalent à celui d’une Zero d’aujourd’hui, vous aurez demain une Zero plus performante et offrant plus d’autonomie.

Travaillez-vous alors sur des solutions de leasing comme l’a fait BMW pour son C-Evolution ?
Ce point est en effet fondamental. Nous travaillons avec Viaxel sur des solutions de leasing. Nous aurons bientôt plus d’informations à ce sujet.

Êtes-vous optimiste quant à l’arrivée de mesures incitatives en France favorables à l’essor des motos électriques ?
Les approches sont très variables d’un pays à l’autre. Les plus précurseurs, ceux qui se soucient le plus des pollutions sonore et de l’air, imaginent toute sorte d’aides : subvention, allègement des taxes ou des frais de douanes. Nous sommes bien implantés en Israël ou au Danemark pour ces raisons.

Nous observons aussi des initiatives locales intéressantes. Certaines villes offrent le stationnement et la recharge gratuite aux véhicules électriques. Je pense que les subventions se multiplieront quand il y aura plus d’acteurs sur ce marché.

Vous devez être impatient de voir les autres constructeurs arriver sur le marché ?
Oui, plus nous serons nombreux sur ce marché, plus les investisseurs seront en confiance et plus les politiques favoriseront la mobilité électrique. Les quatre constructeurs japonais y travaillent déjà comme on a pu le voir sur les salons. C’est une mobilité intelligente qui intéresse beaucoup de monde.

Reste à avoir les poches assez profondes pour tenir jusque là...
C’est la problématique de toute start-up. Je suis confiant parce que nous progressons. Nous sommes passés de 4 à 8 modèles et, en France, de 4 à 16 distributeurs. Rome ne s’est pas faite en un jour…

Nous constatons aussi que les gens évoluent dans la perception qu’ils ont de nos produits, qu’ils ne qualifient plus de « jouet ». Aujourd’hui on sent qu’ils s’intéressent au concept. Nous avions le même phénomène au début de la téléphonie mobile. À part quelques « early adopters », tout le monde trouvait ça trop cher et sans intérêt. Les temps ont bien changé depuis.

Nous constatons aussi un changement de mentalité par rapport à l’acte d’achat lui-même. Aujourd’hui les gens ne veulent plus forcément posséder un véhicule mais seulement l’utiliser. Nos clients sont des early adopters tant dans leur choix de produit que dans leur façon de consommer.

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