Vous étiez l’un des plus réactifs, pour ne par dire septiques lors de ce forum... Pourquoi ?

Sceptique c’est pas vraiment le terme, je pense que je suis juste prudent sur la manière dont sont parfois vendus les STI, sans avoir été suffisamment testés sur les routes.

Il y a quand même certains ingénieurs (et pourtant j’en suis un moi-même) qui essaient de démontrer que le système qu’ils ont conçu fonctionne… mais c’est un fonctionnement technique, pas un fonctionnement sociétal. Il y a une différence, entre montrer qu’un système marche sur une route fermée une fois, et qu’il fonctionne dans les conditions réelles.

Pouvez-vous nous éclairer par un exemple ?

Prenons le cas des alertes en virage (une alerte en cas de sur-vitesse à l’entrée d’une courbe, via une transmission GPS). C’est un fonctionnement auquel je ne crois pas beaucoup. Pour qu’elles soient effectives, il faudrait qu’on ait une connaissance parfaite de la qualité du bitume : état de la route en général, bouses de vache, etc. Tous ces éléments vont changer la donne, et faire que ces alertes seront complètement fausses.

On peut aussi se poser la question de savoir comment les gens utiliseront cette fonctionnalité. L’utilisateur reçoit une info, et la question que doivent se poser les chercheurs et ingénieurs, c’est : comment le conducteur utilise cette info ?

Par exemple sur le périphérique parisien, des panneaux à messages variables indiquent le temps de parcours d’une sortie à l’autre. Nous avons analysé la réaction des conducteurs. Il a été très compliqué de trouver le bon message. Car il y en a certains qui veulent faire mieux que le temps annoncé. Et ça c’est complètement contre-productif.

Il faut donc arriver à délivrer la bonne information pour qu’un système mène vers une meilleure sécurité routière, et non pas juste l’inverse.

Il y a quand même eu des bonnes idées…

Oui, bien sûr ! Mais les bonnes idées viennent d’une étude des besoins, elles ne viennent pas de l’envie d’un ingénieur de concevoir quelque chose. Je m’explique.

L’ingénieur doit d’abord avoir ce raisonnement : « je regarde et j’essaie de comprendre comment ça se passe. Je comprends le besoin de l’utilisateur et à partir de là, je tente d’y répondre. » Et non pas, comme on l’a déjà vu par le passé : « je conçois un système, je dis qu’il est génial et je tente de convaincre toute le monde qu’il marche »

Il faut d’abord comprendre les pratiques de l’utilisateur (bonnes ou mauvaises) pour essayer de les changer dans le bon sens et/ou de l’aider à faire mieux.

Faire des études poussées comme vous l’entendez, c’est presque impossible, non ?

C’est pourtant ce qui a été fait dans l’automobile. Historiquement, on a eu exactement les mêmes problèmes, c’était vraiment les ingénieurs pour les ingénieurs… très technique.

Bien après, ils se sont rendus compte qu’il fallait rentrer le facteur humain à l’intérieur par ce que ça ne marchait pas… On s’est mis à faire des projets avec des psychologues, avec des ergonomes, etc. On est reparti sur une nouvelle phase. Et pour la voiture, cela date de 20-30 ans ! Pour la moto, c’est réellement très neuf…

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