Comparatifs

Cette première surprise passée, c’est le tableau de bord de la Honda, digne d’un Airbus, qui interpelle : pas moins de 45 boutons, molettes, basculeurs et autres tirettes garnissent un poste de pilotage qui augure d’une lecture studieuse du manuel du propriétaire et qui vous occupera lors de longues étapes autoroutières… De son côté, le dashboard de la Harley s’inspire directement des planches de bord des voitures sportives d’antan avec ses compteurs, manos et jauges cerclés de chrome.
Rien qu’à l’arrêt en tout cas, les deux paquebots se démarquent radicalement l’un de l’autre. La Honda puise dans la technologie dernier cri issue de sa gamme automobile alors que la Harley titille la fibre nostalgique.

Prise en mains : surprises urbaines

Eu égard à leur poids, il est urgent de trouver rapidement le mode d’emploi pour les manœuvres moteur arrêté. La plus lourde est paradoxalement la plus facile à déplacer. Une main sur le guidon, l’autre sur une des poignées passager, reculer la Honda devient un jeu de (grand) enfant. Sur l’américaine, l’exercice est beaucoup plus ardu car à part le guidon, elle n’offre aucune prise correcte pour s’assurer.
Le mieux et le plus pratique est de monter sur la moto et de pousser avec les pieds pour avancer ou reculer. Dans les deux cas, la vigilance est de mise car il est presque impossible de rattraper une perte d’équilibre. Le mieux est encore de mettre en route…

Dès les premiers tours de roue en ville, on se demande où sont passés les poids pachydermiques annoncés dans les fiches techniques. Basse, stable, disposant d’un rayon de braquage plus qu’honnête, la Harley-Davidson se joue des embouteillages et il est possible de rouler au pas sans mettre les pieds par terre.
Surprenant. La Goldwing suit l’américaine mais son centre de gravité un peu haut perché et sa grande largeur réclament plus d’attention. Côté mécanique, les moteurs et les transmissions s’affranchissent des évolutions urbaines avec bonhomie.

L’onctuosité et la rondeur du six-cylindres japonais sont ici de précieuses alliées, tout comme la souplesse du moteur Harley, étonnante pour un twin d’une telle cylindrée. Sur route, les deux machines marquent leur différence, côté protection d’abord, domaine dans lequel la Honda se montre impériale. Presque trop, même, tant la protection peut « déconnecter » des éléments extérieurs. Agréable par mauvais temps mais sûrement un peu frustrant par une belle journée d’été… La FLH XI (son nom de code) ne joue pas sur le même tableau, mais son carénage et son embryon de bulle protègent mieux qu’il n’y paraît. Seules les jambes sont exposées aux intempéries.

Moteur : luxe, calme et volupté

Filant bon train sur autoroute, les partitions diffèrent en fonction des architectures moteur. Le six-cylindres feule, donnant l’impression de rouler dans une luxueuse berline allemande, sensation encore accentuée par l’absence totale de vibrations, alors que le bicylindre longue course donne dans le style B52, avec juste ce qu’il faut de bruit et de vrombissements.
Quel que soit le régime, visser d’un quart de poil la poignée droite de la Honda vous propulse d’un bond ! Bien pratique pour doubler un automobiliste, portable collé à l’oreille… Son coffre omniprésent sur toute sa plage de régime, avec une crête entre 4 000 et 5 000 tr/min, est un indéniable atout pour la sécurité.

Le moteur Harley, lui, est nettement moins à son aise dans l’exercice du dépassement « éclair », du fait d’une démultiplication finale bien trop longue. Cette dernière oblige à rouler aux alentours de 140 km/h pour se trouver dans la plage de couple maxi et dépasser promptement.
En dessous de cette vitesse (entre 110 et 120 km/h), le 1449 cm3 est légèrement en sous-régime et on ne le sent pas à son aise. Il « pilonne » si on ouvre en grand et mieux vaut alors rentrer un rapport, pour soulager l’embiellage… Sa plage de prédilection se situe entre 3 000 et 4 800 tr/min.

Comportement : reines des highways

Passé Vichy, les grandes courbes de l’autoroute A71 révèlent des comportements également bien distincts. La partie-cycle Harley n’y est pas à son avantage et des louvoiements apparaissent, moto posée sur l’angle, aux alentours de 130 km/h. Phénomène inconnu au guidon de la Goldwing où le seul inconvénient sur autoroute est de s’assoupir derrière la bulle, si l’on en croit Isabelle : « C’est la première fois que je dors derrière Gilles en moto, incroyable… ! » Cela étant, quelle que soit la monture, la distance Paris/Clermont-Ferrand par l’autoroute n’aura été qu’une simple formalité… Excusez du peu !

C’est surtout sur les départementales du Massif Central que l’écart technologique et philosophique entre les deux motos est le plus flagrant. La Goldwing prend rapidement le large. La répartition des masses et le châssis de la Honda font merveille. Le freinage combiné Dual CBS assure en toutes circonstances et limite les transferts de masse en « asseyant » la moto sur ses suspensions. La machine est super-stable quel que soit le rayon de la courbe et seule une garde au sol réduite tempère le rythme, la béquille centrale implorant grâce…

Devant le spectacle surréaliste d’une moto de 400 kg à l’assaut des tourniquets de montagne, le pilote de la Street Glide ne peut qu’adapter sa conduite aux capacités limitées de sa moto sur ce terrain. Inutile de forcer l’allure (impossible, de toute manière !). Le mieux est de jouer entre le troisième et quatrième rapport en « coulant » son pilotage.
L’exercice n’est pas désagréable quand le bon tempo est trouvé mais la monte pneumatique d’origine n’incite pas à tenter de recoller à la Goldwing… Bien que dépourvu d’assistance (ABS, couplage, etc.), sa capacité de freinage reste rassurante en toutes circonstances, mais force est de constater que la belle de Milwaukee est plus à son affaire sur des highways rectilignes que sur des petites routes sinueuses bien gauloises…

Verdict

Perfection technologique (poussée ici à son paroxysme) d’un côté, style et sensualité hors d’âge de l’autre… Une comparaison pied à pied des prestations de ces deux motos apparaît évidemment aussi déplacée que de tenter de peser les mérites d’un voyage en avion et d’une croisière en paquebot… D’un point de vue strictement objectif, la Goldwing propose le nec plus ultra pour le long cours, quelles que soient les conditions de roulage… au risque d’une certaine « froideur ».
On regrette presque l’absence de quelques défauts pour susciter un peu plus « d’échange » entre l’homme et sa machine. Un peu frustrant. Une relation « charnelle » que Harley-Davidson cultive à merveille. La Street Glide offre en effet ce petit quelque chose de difficilement explicable et quantifiable qui dépasse ses capacités propres, mais s’immisce en vous, kilomètres après kilomètres… pour le plus grand des plaisirs.

Avec la participation d’Isabelle Cardineaud et de Gilles Andrien

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